ROUE DE BICYCLETTE (M. Duchamp)
La Roue de bicyclette, premier ready-made réalisé par Marcel Duchamp en 1913, déconcerte d'abord par son caractère surréaliste avant la lettre. Aussi étrange qu'elle paraisse, cette association hétéroclite de deux objets ordinaires qui ne doit plus rien au savoir-faire traditionnel de l'artiste, ne résulte cependant pas d'un choix arbitraire. Sa conception radicale répond à un contexte que dépeint parfaitement une remarque qu'adressa Duchamp au sculpteur Constantin Brancusi alors qu'ils visitaient ensemble, cette même année 1913, le salon de la Locomotion aérienne : « C'est fini la peinture. Qui peut faire mieux que cette hélice ? ». Tout est donc « déjà fait » – ready made – et l'œuvre de Duchamp ne modifie l'objet industriel (la roue) que pour en manifester la perfection esthétique. Car ainsi disposée à l'envers sur un tabouret de dessinateur qui s'apparente à un piédestal fabriqué en série, la roue devient aussi inutile que toute autre sculpture digne de ce nom. Elle n'en conserve pas moins sa spécificité : il est possible de la mettre en mouvement et d'ajouter à sa rotation celle de la fourche pivotant sur son axe. À condition que notre regard y consente, le ready-made se voit élevé au rang de sculpture, éventuellement cinétique, avec une ironie qui n'a cessé depuis de perturber nos conventions culturelles.
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Écrit par
- Hervé VANEL : professeur d'histoire de l'art contemporain à l'université de Brown, Rhode Island (États-Unis)
Classification
Média