KHOMEYNI ROUHOLLĀH MOUSSAVI (1900-1989)
Incarnation d'une révolution qui a bouleversé non seulement l'Iran mais aussi la stratégie et le comportement des grandes puissances, l'ayatollah Khomeyni a tenu, tout au long des années 1980, en s'appuyant sur l'intangibilité des préceptes coraniques fondamentaux pris comme idéologie politique, un rôle prééminent dans cette révolution dont l'un des aspects a été le rejet de la modernisation et de l'occidentalisation excessives voulues par le shāh.
Le chef religieux
Rouhollah Moussavi Khomeyni est né en 1900 dans la province de Khomeyn (ouest de l'Iran) au sein d'une famille profondément religieuse étroitement liée au shi‘īsme : son grand-père, son père, son frère aîné étaient des ayatollahs et sa tante paternelle, qui l'a élevé, lui a appris que tout sur terre devait céder le pas au respect et à l'application des principes de l'islam, que religion et pouvoir politique formaient un ensemble indissociable, que la vocation d'un religieux shi‘ite était de promouvoir la justice, de protéger et de défendre les faibles et les pauvres contre les forces d'oppression de toute nature.
Professeur à Qom à partir de 1927, Khomeyni a acquis très vite une large audience et une grande réputation en raison de sa science religieuse, mais aussi de son élévation morale.
C'est en 1944 que paraissent ses premiers écrits dans lesquels il critique fortement les mesures prises par le gouvernement du shāh afin d'accentuer la laïcisation du régime. S'il soutient, à ses débuts, l'action de Mossadegh, il s'en éloigne lorsque celui-ci se rapproche du parti communiste Tudeh. En 1961, il gravit un échelon dans la hiérarchie des ayatollahs en devenant mardja‘-é taglīd (modèle d'imitation), mais c'est le lancement par le pouvoir de la « révolution blanche », avec la promulgation de la loi de réforme agraire (janvier 1962) approuvée par référendum en janvier 1963, qui donne à Khomeyni l'occasion de se présenter non seulement comme chef religieux mais aussi comme leader politique. Sa condamnation virulente de la réforme, qui limite le droit de propriété et touche notamment les biens fonciers de la hiérarchie shī‘ite, lui vaut d'être arrêté le 3 juin 1963, ce qui provoque de violentes manifestations réprimées férocement.
Relâché et arrêté à plusieurs reprises, il est finalement exilé en Turquie en novembre 1964.
Les dirigeants turcs n'appréciant pas spécialement sa présence, il est accueilli en Irak dont le gouvernement est alors en froid avec celui d'Iran, et s'installe à Nadjaf, une des villes saintes des musulmans sh‘īites. C'est à partir de là qu'il intensifie son action politique ; en 1969 il publie son manifeste « Pour un gouvernement islamique » où il affirme la priorité de l'islam dans la conduite des affaires politiques et sociales et dénonce le colonialisme, l'impérialisme et les dirigeants musulmans qui collaborent avec eux au détriment de l'indépendance et du développement de leur pays. Diffusée par cassettes, sa propagande reçoit un grand écho et il devient alors le chef à peu près incontesté de l'opposition au gouvernement du shāh. Cependant, le rapprochement qui s'opère en mars 1975 entre l'Irak et l'Iran conduit le gouvernement irakien à limiter les activités de Khomeyni et finalement, le 5 octobre 1978, il quitte l'Irak pour la France et s'installe dans la banlieue parisienne, à Neauphle-le-Château, d'où il lance ses mots d'ordre de résistance et d'action afin de renverser la monarchie Pahlavi : dignitaires religieux sh'īites et leaders politiques laïcs opposés au shāh se rallient à lui. Les événements se précipitent en décembre 1978 et janvier 1979 ; le 16 janvier, le shāh quitte l'Iran où Chapour Bakhtiyār assure la direction du gouvernement ; le l[...]
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Écrit par
- Robert MANTRAN : membre de l'Institut, professeur émérite à l'université de Provence-Aix-Marseille-I
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Médias
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