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WILKINS ROY (1901-1981)

Petit-fils d'esclave, né à Saint Louis dans le Missouri, Roy Wilkins, devenu orphelin très jeune, fut éduqué par un oncle, dans le Minnesota. Élevé dans la petite bourgeoisie noire, il acquiert les qualités de ténacité, de persévérance et de patience qui caractérisent celle-ci. Il n'en est pas moins conscient de l'injustice et de la discrimination que subit sa race ; cette bourgeoisie noire, en effet, quelle que soit sa soif de reconnaissance sociale, n'a jamais omis de prendre en compte les revendications de ses frères de race situés plus bas sur l'échelle sociale. Faut-il rappeler que, durant toute la première moitié du xxe siècle, les Noirs américains sont systématiquement maintenus, y compris dans le Nord, dans un état d'infériorité qui leur interdit, à qualités – et qualifications – égales, l'accès aux postes de responsabilité et qu'ils subissent, particulièrement dans le Sud, les effets d'un racisme mesquin qui leur interdit de partager les mêmes restaurants, les mêmes cinémas ou les mêmes compartiments de chemin de fer que les Blancs ? Roy Wilkins luttera donc toute sa vie, sans relâche, pour l'égalité des deux races. Mais il fera le choix de lutter en utilisant, pour l'essentiel, les armes juridiques. Celles-ci s'avéreront adéquates pour obtenir certains résultats, telle la décision de la Cour suprême, en date du 17 mai 1954, Brown v. Board of education of Topeka, sur la déségrégation des écoles. Mais elles seront insuffisantes pour instaurer une égalité réelle entre Noirs et Blancs. Roy Wilkins gardera toujours la conviction – l'illusion ? – que l'intégration des deux races se réalisera, qu'elle est voulue par l'ensemble de la société américaine. Certains de ses contemporains, comme le juge à la Cour suprême Thurgood Marshall, tout aussi actifs et efficaces dans les grandes batailles légales des années 1950 et 1960, tout aussi adeptes du compromis, seront moins optimistes : leur déception se traduira par une désillusion teintée d'amertume.

Diplômé de sociologie et de journalisme de l'université du Minnesota, Roy Wilkins entre comme reporter dans un important journal noir de Kansas City. La notoriété lui vient lors d'une campagne de presse contre un candidat politique local qu'il estime être raciste. Il est remarqué par le responsable de la National Association for the Advancement of Colored People, Walter White, qui l'appelle à New York comme assistant, en 1931. En 1934, il succède à la tête du journal de l'association, The Crisis, à W. E. B. DuBois (son fondateur et l'un des fondateurs de la N.A.A.C.P.).

La N.A.A.C.P. ne cesse alors de se développer, d'autant plus que sa stratégie légaliste porte de plus en plus ses fruits : en 1954, elle atteint son zénith avec la décision de la Cour suprême déjà évoquée. Elle compte alors un demi-million de membres, Noirs et Blancs. Roy Wilkins, en tant que directeur de la N.A.A.C.P. depuis 1950, a mis au point l'organisation de cette grande bataille juridique. Il succède à Walter White à la mort de celui-ci en 1955. Lui aussi est à son zénith : il est alors le responsable noir le plus respecté. Mais d'autres dirigeants, comme Martin Luther King, plus charismatiques, meilleurs tribuns, lui font concurrence. Et la communauté noire s'impatiente, cherche d'autres méthodes d'action. La N.A.A.C.P., et Roy Wilkins avec elle, perdent de leur importance. En 1977, vaincu par les luttes fractionnelles et les rivalités fratricides au sein de l'organisation même, il finit par démissionner. Son nom demeure lié à la grande victoire de 1954.

— Marie-France TOINET

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Écrit par

  • : directeur de recherche au Centre d'études et de recherches internationales de la Fondation nationale des sciences politiques

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