JÉRUSALEM ROYAUME DE
État fondé en fait lors de la prise de Jérusalem par les croisés (15 juill. 1099) et de l'élection de Godefroi de Bouillon comme avoué du Saint-Sépulcre, et en droit par le couronnement de Baudouin Ier comme roi (25 déc. 1100). Rien n'ayant été expressément spécifié quant aux droits du pape, organisateur de la croisade, à ceux de l'empereur byzantin, à qui appartenait la Terre sainte avant la conquête arabe, et à ceux des barons croisés, qui étaient venus en Orient pour libérer les Lieux saints, mais non (en théorie) pour conquérir et coloniser, la création du royaume de Jérusalem ne fut que la conséquence de la nécessité politique et militaire de disposer d'un commandement fort et unifié sur les lieux mêmes. C'est cependant à grand-peine que les rois firent reconnaître leur autorité sur les autres principautés franques également nées de la croisade (Antioche, Tripoli, Édesse). Une exploitation systématique des crises et des difficultés de tout genre (minorités, en particulier) permit d'introduire progressivement la notion d'une souveraineté royale que légitimait surtout la protection offerte à ces principautés par les rois et leurs armées.
Les rois durent, d'autre part, lutter constamment contre les facteurs internes de désagrégation, comme le particularisme des barons, qui avaient établi en Orient un système féodal idéalisé, comme l'indépendance du clergé (les revendications du légat avaient difficilement été repoussées en 1099-1100) et comme l'insubordination constante des ordres militaires (Temple et Hôpital), qui représentaient cependant la force principale et permanente du royaume.
La constitution territoriale du royaume était donc à peine achevée par la prise des grands ports, et en dernier lieu par celle de Tyr (1123), que s'amorçait un déclin principalement dû à des crises internes qui privèrent de secours des principautés trop simplement considérées comme rivales du royaume. Le premier signe fut la perte d'Édesse en 1144. Les plus rudes coups furent portés un demi-siècle plus tard par Saladin, qui écrasa l'armée franque à Ḥaṭṭīn (4 juill. 1187) et occupa Acre, Jaffa, Beyrouth et Jérusalem.
Réduit à une bande littorale, le royaume s'appuya désormais sur Tyr, Antioche et Acre. C'est de là que partirent les tentatives de Jean de Brienne vers l'Égypte (1218-1221). Recouvrées grâce à la diplomatie de Frédéric II (traité de Jaffa, 18 févr. 1229) et à la volonté d'entente du sultan d'Égypte, les régions intérieures et Jérusalem furent à nouveau perdues en 1239. L'armée franque, qui avait reçu le renfort des croisés venus avec Thibaut de Champagne, reprit l'avantage et put recouvrer en 1240 divers territoires, dont Jérusalem, Ascalon et la Galilée ; ceux-ci furent derechef perdus, et définitivement, entre 1244 et 1247.
Réduit à un territoire côtier dominé par Acre, le royaume supporta encore les luttes intestines des colonies italiennes et des ordres militaires, l'assaut des Mongols (1260) et les attaques des mamelouks du sultan égyptien Baïbars (à partir de 1263). Derniers vestiges de la Terre sainte franque, Acre, Tyr et les forteresses de Tortose et de Châtel-Pèlerin tombèrent en 1291.
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Écrit par
- Jean FAVIER : membre de l'Institut, directeur général des Archives de France
Classification
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