BÉNIN ROYAUME DU
Un roi-dieu
Ce qui a d'abord impressionné, c'est le roi, « chef du monde des vivants et du monde des morts », à la fois homme et dieu, tête d'un État fortement centralisé, au moins dans sa partie la plus ancienne. Il paraissait en public, la tête, la poitrine, les bras et les chevilles couverts de lourdes filières de corail, et l'on devait le soutenir dans sa marche ; il était immobile, hiératique. Il ne sortait que rarement, et cérémoniellement, de son palais. La vénération qu'on lui accordait, disait un voyageur anglais du xvie siècle, était telle que, « si nous en donnions autant à notre Sauveur, nous écarterions de notre tête beaucoup des tourments que nous méritons tous les jours par nos offenses et notre impiété ». De ce roi-dieu, on disait qu'il ne mange pas, ne boit pas, ne dort pas, et aussi qu'il ne meurt pas : son intronisation, qui est une initiation, l'a séparé des hommes. Le roi éternel, cependant, changeait d'enveloppe visible, et c'était l'occasion des rituels parmi les plus importants. Le corps du roi n'était pas enterré seul, il devait être accompagné d'une suite nombreuse, que l'on enfermait vivante dans la tombe ; par la suite, des sacrifices humains qui permettaient d'envoyer au roi des messagers accroissaient cet entourage. Le nouveau souverain assurait un culte à ses ancêtres ; c'est lui qui effectuait solennellement la première coulée de métal lorsque l'on fabriquait, à cire perdue, la tête de bronze représentant son prédécesseur qui serait déposée sur l'autel qui lui était consacré.
Ce roi divin n'était pas pour autant un roi absolu ; il devait s'appuyer sur des corps de dignitaires dont il ne contrôlait que partiellement la nomination. L'accès au premier de ces corps, qui constituait le collège chargé de la désignation du roi avant qu'au xviiie siècle son rôle devînt plus formel – la succession par ordre de primogéniture ayant été instaurée – était fondé sur l'hérédité. Les deux autres étaient composés d'hommes qui détenaient les plus élevés des titres que l'on peut appeler nobiliaires, non héréditaires pour la plupart, et auxquels tout homme libre pouvait accéder, au prix de lourdes prestations et de reconnaissances de vassalité. Ces titres étaient disposés en échelles complexes dont on pouvait, avec l'agrément de ses pairs et, dans certains cas, du roi, gravir peu à peu les degrés. Les porteurs de titres étaient rassemblés en deux ordres : celui des chefs du palais, responsables de ceux qui l'habitent et des richesses qui y sont entreposées ; celui des chefs de la ville, qui avaient des prérogatives administratives, militaires, rituelles. Le premier corps tout entier, les deux autres par leurs représentants les plus éminents constituaient le Conseil du roi, dont les sessions ont été décrites par plusieurs voyageurs.
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Écrit par
- Paul MERCIER : directeur d'études à l'École pratique des hautes études
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Médias
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