BÉNIN ROYAUME DU
Le palais et la ville
La distinction entre ces deux ordres correspond à une opposition essentielle, dans l'espace, entre le palais et la ville. Le palais était une ville dans la ville, où vivaient des milliers de personnes entourant et servant le roi. Chaque roi ajoutait ses propres bâtiments à ceux qu'avaient construits ses prédécesseurs ; ainsi comptait-on, à la fin du xixe siècle, trente-trois palais adjacents. Déjà, au xviie siècle, les constructions royales occupaient, selon O. Dapper, autant de place que la ville de Haarlem, et « ses galeries étaient aussi larges que celles de la Bourse d'Amsterdam ». C'est là sans doute l'une des plus belles réalisations de l'architecture africaine. Si les bâtiments étaient d'argile crue, leur décoration était d'une étonnante splendeur. Les galeries étaient soutenues par des piliers de bois recouverts de plaques de bronze en bas relief. Les portes de bois sculpté étaient revêtues de minces feuilles de laiton modelées sur la sculpture. Les têtes et les statues de bronze s'étalaient à profusion sur les autels, dans les salles d'audience, au faîte des toitures. Les objets d'ivoire sculpté étaient aussi nombreux, depuis les serrures jusqu'aux défenses entières ouvragées, dont certaines avaient pour socle des têtes de bronze.
La ville, juxtaposée au palais, était immense ; place forte, ses remparts auraient eu, au xviie siècle, un développement de huit lieues. Construite selon un plan quadrillé, ses rues étaient si longues qu'on n'en pouvait « voir le bout ». Un voyageur hollandais du xvie siècle remarquait que « les maisons dans cette ville se dressent en bon ordre, chacune à côté et dans l'alignement de l'autre, comme se dressent les maisons en Hollande ». Ces maisons avaient une architecture remarquable ; elles étaient construites autour d'une cour centrale à impluvium, où l'eau était recueillie dans une sorte de citerne et évacuée vers l'extérieur par des canalisations qui passaient sous les pièces d'habitation. L'origine d'une telle architecture, rappelant celles des pays méditerranéens, reste une énigme.
Cette civilisation tout entière ainsi que celle des Yoruba voisins font problème. Les hypothèses légères et péjoratives qui en faisaient, en particulier dans le domaine de l'art, un reflet de la civilisation européenne ont été rejetées. Mais il y avait place encore pour des suggestions peu vérifiables. La plus hardie a identifié le Bénin et les pays avoisinants à l' Atlantide mythique où, selon Platon, on trouvait palmiers et éléphants, et où les fils de Poséidon avaient bâti une forteresse revêtue de plaques de cuivre ; cette Atlantide, selon L. Frobenius, aurait été coupée de la Méditerranée grecque, ce que le mythe transposa en naufrage cataclysmique. Le problème des origines reste à peu près entier.
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Écrit par
- Paul MERCIER : directeur d'études à l'École pratique des hautes études
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Médias
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