BÉNIN ROYAUME DU
Un art royal
L' art du Bénin, avant que ne soit découvert celui d' Ifé dont il dérive, est apparu comme l'un des plus remarquables de toute l'Afrique. C'était avant tout un art royal. Les objets de bronze – en fait, d'un alliage plus proche du laiton que du bronze proprement dit –, statuettes, têtes stylisées, bas-reliefs, en particulier, représentant des scènes historiques, tous fondus à cire perdue, étaient réservés à l'usage du roi, rituel ou profane. Si la technique est venue d'Ifé, il s'est développé au Bénin un style original, moins « classique », moins sobre, un style « flamboyant » selon la formule de W. Fagg. C'est cet art du bronze qui est certainement le mieux connu, et dont les étapes peuvent être le mieux datées. Dans une première période, celle du xive siècle surtout, les œuvres restent proches de celles d'Ifé : têtes creuses ou bas-reliefs, elles ont peu d'épaisseur et sont plus réalistes. À partir du xvie siècle, les bas-reliefs deviennent plus nombreux, plus épais, plus divers aussi, évoquant à la fois les rites royaux, la vie quotidienne, les traitants et les soldats portugais, très précisément décrits.
Le xviie siècle marque l'apogée de l'art du bronze : outre les bas-reliefs, les têtes-portraits, les sièges, les statues animalières, les coffres et les cloches sont nombreux et de facture variée. Mais, dès la fin de ce siècle, la décadence se dessine, qui coïncide avec la crise de l'État née de celle de la traite des esclaves. Les siècles suivants ne donneront que des œuvres mineures, et la conquête coloniale entraînera l'effondrement d'un art étroitement lié à une organisation politique.
Comme l'art du bronze, celui de la terre cuite semble avoir été emprunté à Ifé ; il a laissé beaucoup moins de traces. On comprend que la sculpture sur bois en ait laissé moins encore : la capitale du royaume de Bénin fut incendiée en 1897 lors de la conquête. Le bois, on l'a remarqué, pouvait être recouvert de feuilles de laiton, de cuivre, parfois d'argent et d'or ; cette technique était connue ailleurs en Afrique, mais c'est au Bénin – et au Dahomey – qu'elle a été le plus remarquablement employée. L' ivoire était aussi travaillé d'éblouissante façon : défenses d'éléphant tout entières sculptées ou gravées, soit de motifs de vannerie ou de nattage, soit de figurines en ligne, différemment orientées, où quelques auteurs ont cru pouvoir déceler une écriture pictographique ésotérique ; masques incrustés de métal ; clochettes, cassettes, statuettes, bracelets, bâtons de commandement, serrures et loquets. Des styles très variés y apparaissent, d'une simplicité « romane » à une exubérance baroque, en passant par une sobriété toute classique ; on les date malaisément.
À ces arts les plus prestigieux, il faut ajouter les tissages et les broderies qui, du xvie au xviiie siècle, font l'objet d'exportation vers la Côte-de-l'Or et le Congo, et un grand nombre d'arts mineurs, dont la gravure sur calebasse et la sculpture sur noix de coco.
Les groupes d'artistes et d'artisans étaient sous le contrôle du roi. Certains étaient dirigés directement par un de ses délégués ; d'autres par les porteurs de titres qui devaient rendre compte. Chaque quartier de la capitale avait sa spécialisation et ses obligations envers le souverain. Il y avait ainsi le quartier des forgerons, celui des fondeurs de bronze, celui des sculpteurs sur bois et sur ivoire, celui des fabricants de tambours, celui des travailleurs du cuir, celui des tisserands. Ces artisans étaient par excellence les hommes de la ville, par opposition à ceux du palais. Déjà décadente au xixe siècle, cette organisation en quasi-corporations n'a pas survécu à la conquête européenne,[...]
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Écrit par
- Paul MERCIER : directeur d'études à l'École pratique des hautes études
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