KONGO ROYAUME DU
Lorsque les Portugais atteignent l'embouchure du fleuve Congo (découverte par Diego Cão en 1482), le royaume du Kongo est déjà puissamment établi. Il résulte du regroupement de multiples unités politiques en un État relativement centralisé, soumis à un souverain résidant dans une capitale. Ses frontières, toutefois, sont fluctuantes, six « provinces » principales composent son noyau stable : le Mpemba (province royale), le Soyo, le Mbamba, le Nsundi, le Mpangu et le Mbata ; pour le reste, il s'agit de territoires périphériques, faiblement liés au pouvoir central, opposés les uns aux autres et en état de dissidence quasi permanent. À aucune époque, le roi du Kongo n'eut les moyens de mener jusqu'à son terme l'œuvre de rassemblement de toutes les terres et de centralisation absolue du pouvoir. Cette situation ne fait pas exception ; toutes les grandes formations étatiques de l'histoire africaine ont subi les mêmes difficultés.
En raison de ces incertitudes et du manque de documents antérieurs au xvie siècle, il est impossible de déterminer la première extension du Kongo. Au tournant du xvie siècle, ses limites sont les suivantes : au nord, une ligne joignant la ville de Loango au Stanley Pool, le long de la vallée du Kwilu-Niari ; à l'est, le Kwango ; au sud, le Kwanza ; et une longue façade maritime vers laquelle se dirigeront les voies de troc et de traite. Tout l'espace kongo coïncide avec une aire de transition géographique entre la forêt dense au nord et la savane arborée au sud. Le volume de la population qui l'occupe ne peut être établi de manière précise, et il faut se satisfaire d'évaluations grossières : deux à trois millions d'habitants au cours du xvie siècle ; une poussée démographique, due à la généralisation de la culture des nouvelles plantes vivrières américaines, fait dépasser le chiffre de quatre millions dans la seconde moitié du xviiie siècle ; puis, le déclin très rapide conduit aux faibles densités actuellement connues.
Le terme Kongo fut et demeure chargé de prestige et de gloire. Durant les grands siècles, les habitants de Mpemba (où se trouve la capitale) s'en réservaient l'usage ; ils se proclamaient les seuls « purs » et proches dépendants du souverain ; ils affirmaient avec orgueil leur qualité d'Esi-Kongo. Le mot pose néanmoins une énigme. On a suggéré de le rattacher à ko-ngo, « allié de la panthère », en raison du rapport associant cet animal à toute chefferie, ou encore, de l'assimiler au nom désignant le chasseur émérite, nkongo ou, par une interprétation voisine, au terme réservé à une arme de jet, kongo ou kong. Les diverses suggestions proposées comportent un point commun ; elles concernent le pouvoir, soit par des symboles (ainsi, la panthère), soit par des thèmes figurant dans les traditions ou les mythes qui évoquent le héros fondateur du royaume.
Les incertitudes – et notamment celles qui concernent la période des commencements – ne doivent pas faire oublier que la documentation consacrée au royaume du Kongo est relativement abondante. À côté des documents regroupés (dont les incomparables Monumenta du P. Brasio), des « descriptions » contemporaines (Pigafetta, J.-François de Rome, Cavazzi, Dapper), il convient de placer les traditions historiques, recueillies notamment par J. Cuvelier.
Les rois
L'histoire du Kongo est une histoire complexe : celle des souverains, celle d'une société et d'une civilisation créatrices (et non seulement répétitives), celle de relations internationales précoces.
Le roi forgeron
À l'origine se trouvent la légende et le mythe. Ils font apparaître le fondateur du royaume sous la triple figure d'un héros, d'un chef de guerre et d'un porteur de civilisation, et sous les quatre noms de Ntinu, Wéné, Nimi, Lukéni. Les deux premiers évoquant la qualité de[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Georges BALANDIER : professeur émérite à l'université de Paris-Sorbonne, directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales
Classification
Autres références
-
AFRIQUE (Histoire) - De l'entrée dans l'histoire à la période contemporaine
- Écrit par Hubert DESCHAMPS , Jean DEVISSE et Henri MÉDARD
- 9 654 mots
- 6 médias
Le royaume de Kongo a, dès le xive siècle, une « capitale », Mbanza, située dans l'Angola actuel ; les rouages institutionnels du royaume sont établis : les relations des Kongo avec les Teke demeurent conflictuelles, peut-être en partie au sujet de l'exploitation de mines de cuivre du Niari.... -
AFRIQUE NOIRE (Arts) - Aires et styles
- Écrit par Claire BOULLIER , Geneviève CALAME-GRIAULE , Michèle COQUET , Encyclopædia Universalis et François NEYT
- 15 151 mots
- 2 médias
Les premiers royaumes se rattachant au noyau bantou occidental émergèrent au milieu de multiples principautés reliant la famille à l'État.Le royaume kongo se développa sur la rive orientale du bas Congo et celui du Loango sur la côte au nord-ouest ; tous deux sont marqués par une centralisation... -
ANGOLA
- Écrit par Encyclopædia Universalis , Philippe GERVAIS-LAMBONY et Didier PÉCLARD
- 8 812 mots
- 6 médias
...des Kwanyama. Le Portugal prend alors le contrôle de cette région, sur laquelle son voisin allemand aurait eu des vues. Quant au pouvoir colonial dans le royaume du Kongo, au tournant du xxe siècle, il ne s'étend pas au-delà des quelques postes militaires situés le long du fleuve Congo et sur la côte... -
BANTOU
- Écrit par Luc de HEUSCH
- 8 112 mots
- 4 médias
Les données proprement historiques ne remontent guère au-delà de quelques siècles.Le royaume kongo fut fondé au sud du fleuve Congo quelque temps avant l'arrivée des Portugais (à la fin du xve siècle) par un conquérant venu du Nord qui imposa son autorité par la force des armes aux prêtres... - Afficher les 8 références