KONGO ROYAUME DU
La culture et l'acculturation
L'ethnologue allemand Leo Frobenius disait des gens du Kongo qu'ils sont « civilisés jusqu'à la moelle des os ».
Les savoirs
L'éducation kongo est un lent processus qui s'accompagne de changements de situation ou de modifications provoquées de la personnalité. L' initiationpermet d'accéder à la plénitude sociale. Plus sommaire dans le cas des filles, elle vise à les rendre propres au mariage et à l'accomplissement des charges domestiques. Plus complexe dans le cas des garçons, elle intervient chaque fois que la communauté éprouve le besoin d'assurer son renforcement, de restaurer les assises de la société en soumettant une génération nouvelle aux contraintes de la tradition et du sacré. La communauté assure sa remise en état en faisant « naître », selon ses normes, les jeunes gens que l'initiation modèle. La plus connue de ces procédures initiatiques est celle du Kimpasi, répandue dans la zone orientale du royaume du Kongo. Les souverains n'ont pas négligé cette institution efficace, et l'un d'eux, Antonio Ier (1661-1665), y fait allusion dans la liste de ses titres honorifiques.
L'initiation est généralement la condition nécessaire à l'apprentissage d'une fonction spécialisée : celle des « devins et magiciens », selon la formule des anciens auteurs. Ces derniers, « qui ont leurs écoles », sont désignés par le terme nganga qui implique une forme de connaissance et la maîtrise des techniques la mettant en application. La plupart de leurs interventions ont un caractère thérapeutique, et elles associent le traitement magique ou mystique au traitement mécanique et chimique. Les techniques matérielles nécessitent également un apprentissage, la connaissance des procédés et des règles du métier, des symboles et des pratiques que celui-ci régit. Et certains métiers, dont celui de forgeron en première place, se situent entre la compétence des nganga et le savoir-faire des gens de l'art.
Les mots et les arts
De la naissance à la mort, le Kongo reste à l'emprise des mots. Ils contribuent à la construction de sa personnalité, par les noms qu'il reçoit. Ils forment les messages destinés aux ancêtres. Ils expriment, en devenant devises, la gloire du chef et sa puissance. Enfin, et surtout, ils transmettent tout savoir dans une société qui ignore l'écriture, si l'on tient pour négligeable l'infime minorité éduquée par les « étrangers ». La littérature orale paraît riche : d'un côté, des œuvres totalement engagées, au service de la religion et du pouvoir (révélations, formules et prières, récits des hérauts, etc) ; d'un autre côté, des œuvres qui ont pour but d'expliquer, d'enseigner et de divertir (récits et fables, proverbes et devinettes, chants, etc.).
La fureur iconoclaste des missionnaires et de leurs collaborateurs a ravagé, au long des siècles, les œuvres des artistes et des artisans kongo. Certaines pièces ont pu cependant résister aux assauts des hommes et du temps, notamment celles que les sculpteurs taillent dans une pierre tendre – un chlorito-schiste – depuis le xvie siècle. Il s'agit de figurines connues sous le nom de mintadi (les gardiens), représentant le chef dans une attitude méditative, et plus rarement les « mères » qui sont à l'origine des clans. En dehors des pièces traditionnelles, les « maîtres » du laiton, du bronze et du fer modèlent depuis le début du xvie siècle des œuvres d'inspiration chrétienne : croix reliquaires doubles, croix pectorales (dont certaines en or massif), crucifix d'autels et crucifix muraux, statuettes représentant la Vierge et divers saints dont le plus populaire, saint Antoine de Padoue. La symbolique chrétienne est depuis plus de quatre cents ans un des éléments constitutifs de[...]
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Écrit par
- Georges BALANDIER : professeur émérite à l'université de Paris-Sorbonne, directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales
Classification
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