ROYAUME-UNI La société britannique contemporaine
« Contre-révolution » thatchérienne, redressement et modernisation
La période est cruciale dans la transformation de la société britannique. Après « l'hiver du mécontentement » de 1978-1979, il apparaît clairement à la majorité de l'opinion que les institutions traditionnelles sont à bout de souffle et d'imagination, ainsi que les politiciens qui les animent. D'où le succès d'une femme qui paraît sortir d'un moule différent – méritocrate, diplômée d'Oxford en chimie, elle est virtuellement autodidacte en politique – et donne une image de grande fermeté, voire d'obstination. Il fallut pourtant à Margaret Thatcher plusieurs années, en fait une seconde victoire électorale en 1983, et une opiniâtreté sans faille face à des luttes sociales acharnées – la grève des mineurs déclenchée en mars 1984 dure un an –, pour parvenir à imposer ses vues en matière économique et sociale : affirmation de la primauté du marché, réglage par la demande et par le contrôle strict de la masse monétaire. Cette politique entraîne la disparition des « canards boiteux » de l'économie et provoque un chômage de masse (3 600 000 chômeurs recensés en août 1986) ; elle détermine aussi une vague de privatisations, l'adoption de lois réglementant strictement les relations du travail et, à partir de 1986, un affaiblissement systématique des pouvoirs locaux.
L'effondrement de l'industrie lourde, qui perd 1 580 000 emplois entre 1979 et 1983, entraîne un bouleversement des structures de l'économie. En 2000, l'industrie dans son ensemble ne représente plus que 21 p. 100 du P.I.B. et 16,1 p. 100 de l'emploi. Par ailleurs, à la suite des privatisations, le nombre des actionnaires individuels des entreprises britanniques passe de 7 p. 100 de la population adulte, en 1979, à 22 p. 100 en 1993, soit 10 millions de personnes physiques. En même temps, douze lois votées de 1979 à 1990 modifient profondément la politique du logement. Il s'agit, là aussi, d'accélérer l'accession à la propriété et, dès 1980, une première loi oblige les collectivités locales à vendre leur logement à tout locataire qui en fait la demande. Deux millions de logements ont ainsi été cédés à leurs anciens locataires en un quart de siècle, si bien que 69 p. 100 des Anglais possèdent leur logement (qui a quatre fois plus de chances d'être une maison qu'un appartement) ; les Écossais font un peu moins bien : 56 p. 100 de propriétaires-occupants mais ils sont partis de plus bas.
Le service national de santé est assez peu touché par les réformes. Au cours de la campagne électorale de 1983, Margaret Thatcher n'hésite pas à déclarer qu'il « ne court aucun risque [avec nous] ». Dans l'ensemble, elle tient parole. Tout d'abord, elle sait à quel point il reste populaire dans la population, malgré ses imperfections. De plus, il est à l'époque l'un des moins coûteux du monde puisqu'il parvient à assurer, pour une part très inférieure du P.I.B. (4,7 p. 100 en 1979), les mêmes tâches que les autres systèmes de santé en Europe occidentale, qui prélèvent des pourcentages proches du double. Par conséquent, même si elle n'a pas freiné la croissance du secteur privé, elle a encouragé la coopération entre les deux secteurs et n'a pas indûment coupé les crédits au N.H.S., qui ont augmenté de près de 10 p. 100 en valeur réelle sous son gouvernement. Le prélèvement de la santé sur le P.I.B. est passé à 5,9 p. 100 en 1994 ; mais cette croissance est surtout liée aux coûts accrus de la médecine et au vieillissement de la population. Sous le gouvernement Major (1990-1997), on assiste à un progressif sous-investissement dans le N.H.S., comme dans tout le reste du secteur public, dont il est vrai le périmètre s'est[...]
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Écrit par
- Jacques LERUEZ : directeur de recherche honoraire au C.N.R.S., chercheur associé au Centre d'études et de recherches internationales
Classification
Médias