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ROYAUME-UNI La société britannique contemporaine

Les défis du multiculturalisme

Dans les années 1950, sous le double effet du plein-emploi interne et de la décolonisation, le solde migratoire se retourne brusquement, d'autant plus facilement qu'à l'époque un passeport du Commonwealth donne la même liberté de circulation et les mêmes droits, notamment sociaux, qu'un passeport britannique. Devant cet afflux de « gens de couleur » et les vives inquiétudes des couches populaires qui y voient une concurrence intolérable dans les domaines de l'emploi et du logement, inquiétudes vite exploitées par des politiciens peu scrupuleux (dont le conservateur Enoch Powell), les gouvernements réagissent, à partir de 1962, en faisant voter des lois de plus en plus restrictives des flux migratoires. Le plus important de ces textes est incontestablement le British Nationality Act de 1981 qui, pour la première fois, définit clairement mais strictement ce qu'il faut entendre par citoyen britannique. Ce texte provoque un ralentissement durable des entrées. Toutefois, alors qu'au milieu des années 1970 la population de couleur s'élevait à environ 1 900 000 personnes, soit 3,5 p. 100 de la population globale, on estime aujourd'hui que les minorités ethniques regroupent quelque 4 300 000 personnes, soit 7 p. 100 de la population. Plus de la moitié étant née sur place, cette augmentation est moins due à une nouvelle immigration qu'à une croissance naturelle. En 2005, on recensait 1 300 000 noirs, dont une forte proportion originaires des Caraïbes (504 000) ; 942 000 Indiens ; 671 000 Pakistanais ; 257 000 Bangladeshi ; 133 000 Chinois (de Hong Kong surtout), reflétant ainsi la variété géographique de l'ancien empire. Comme ces minorités ethniques sont concentrées dans des zones précises (nord de Londres, grandes villes industrielles du nord et du centre de l'Angleterre, comme Birmingham et sa conurbation, Leicester, Leeds, Bradford, Manchester et sa conurbation), elles jouent un rôle non négligeable dans la vie politique locale et même nationale. Votant très majoritairement pour le parti travailliste – du moins jusqu'aux interventions en Afghanistan et en Irak –, ces communautés comptent une douzaine de députés aux Communes et constituent des groupes de pression efficaces sur les gouvernants, notamment celles qui appartiennent à l'islam, qui compte près de deux millions de fidèles, ce qui en fait la deuxième religion du pays, après le christianisme et ses différentes dénominations. Ce dernier doit faire face comme ailleurs à une forte déchristianisation de la société, du moins du point de vue de la pratique religieuse régulière. On compte environ six millions de chrétiens pratiquants, dont deux millions de catholiques et deux millions appartenant aux confessions « officielles » – anglicans en Angleterre et presbytériens en Écosse. Ils étaient près de dix millions encore dans les années 1970. Les seules églises chrétiennes qui progressent sont les églises pentecôtistes et les groupes charismatiques.

Immigrés jamaïcains - crédits : Chris Ware/ Hulton Archive/ Getty Images

Immigrés jamaïcains

Policier sikh britannique - crédits : In Pictures Ltd./ Corbis/ Getty Images

Policier sikh britannique

La sécularisation de la société, qui ne touche pas que les Blancs et s'accompagne souvent d'un cynisme brutal à l'égard des valeurs religieuses et morales traditionnelles, explique en partie une fermentation islamiste très présente. Il y avait déjà eu l'affaire Rushdie dans les années 1980. Il y a eu ensuite les retombées du conflit irakien, qui a non seulement compromis la loyauté des musulmans envers le parti travailliste, mais renforcé la propagande islamiste au sein des mosquées et encouragé certains jeunes à se mettre au service du terrorisme international. Les attentats de Londres des 7 et 21 juillet 2005 le montrent clairement. Le fait que les auteurs des attentats se sont révélés être des citoyens britanniques musulmans, nés et éduqués en Angleterre, et apparemment bien intégrés,[...]

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Écrit par

  • : directeur de recherche honoraire au C.N.R.S., chercheur associé au Centre d'études et de recherches internationales

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Médias

William Beveridge - crédits : Haywood Magee/ Picture Post/ Getty Images

William Beveridge

Grève des mineurs en Grande-Bretagne, 1984 - crédits : Colin Davey/ Hulton Archive/ Getty Images

Grève des mineurs en Grande-Bretagne, 1984

Immigrés jamaïcains - crédits : Chris Ware/ Hulton Archive/ Getty Images

Immigrés jamaïcains