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RUBĀ‘IYYĀT, Umar Khayyam Fiche de lecture

Une méditation sur le sens de ce monde

Khayyām a livré en un langage clair et simple une pensée profonde, empreinte d'amertume et de scepticisme. Il s'interroge sur le sens de la création, le destin et la nature de l'existence et exprime son sentiment de l'absurdité du monde : « Nos entrées et nos sorties, une ligne les gouverne,/ C'est un cercle : on n'y saisit ni origine ni terme ;/ Et quant à savoir jamais de quels limbes nous venons,/ Vers quel gouffre nous sortons, on ne dit que balivernes ! »

La fuite du temps, la mort sans retour sont des thèmes centraux ; les splendeurs du passé ne sont plus que vestiges, et les grands rois redevenus poussière fourniront son argile au potier. Il faut donc goûter le plaisir de l'instant et apprécier les éphémères beautés de ce monde. Le vin est symbole de ce plaisir et de libération religieuse et sociale.

À Dieu, qu'il ne mentionne pas directement, le poète demande pourquoi il anéantit ses propres créations et voue à l'enfer le pécheur dont il conduit pourtant le destin. Rares au début, les quatrains d'inspiration mystique se sont fait plus nombreux avec le temps. Les soufis, qui raillaient la pratique dévote pour mieux exalter le sentiment religieux véritable, allèrent jusqu'à les utiliser dans leurs rituels. Pourtant on peut entendre les échos de son époque dans les sarcasmes de Khayyām à l'égard des faux dévots, de l'observance hypocrite de la loi religieuse, des entraves à la liberté de pensée : « Oui, nous sommes bienfaisants plus que toi, mufti austère,/ Et plus que toi tempérants dans notre ivresse ordinaire :/ Toi tu bois le sang des hommes et nous celui de la vigne ;/ Je te fais juge, examine lequel est le plus sanguinaire. »

Presque tous les poètes composèrent des quatrains ; Rūdakī et Abū Sa‘īd b. Abi l-Khayr aux xe et xie siècles, comme Sanā’ī et Anvarī, contemporains de Khayyām. La popularité des Rubā‘iyyāt en Europe, supérieure à celle qu'ils connaissent en Iran, a pour origine l'adaptation infidèle qu'en fit Edward Fitzgerald en 1859. Leur esprit à la fois épicurien et pessimiste rencontra cependant la sensibilité occidentale moderne, et ils furent ensuite traduits à bien des reprises et dans presque toutes les langues. Au-delà du problème de l'authenticité des quatrains, il est intéressant de noter que par le moyen de la pseudépigraphie s'est constituée une tradition qui a trouvé sa juste place dans la littérature persane où elle a durablement subsisté.

— Marina GAILLARD

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Écrit par

  • : chercheur, membre de l'U.M.R. Monde iranien du C.N.R.S., Paris

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Autres références

  • KHAYYĀM ‘UMAR (1021 env.-env. 1122)

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    • 1 677 mots
    ...recherches métaphysiques, ont provoqué chez lui de vifs sentiments de déception et d'amertume. Khayyām a exprimé ces sentiments dans de parfaits poèmes épigrammatiques appelés rubā‘iyyāt (singulier rubā‘i, qu'on pourrait traduire en français, faute de terme propre, par le mot « quatrain »).