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DARÍO RUBÉN (1867-1916)

Un poète fondateur

Comme la poésie de Garcilaso de la Vega au xvie siècle, comme celle de Góngora un siècle plus tard, la poésie de Darío marque un tournant dans la littérature de langue espagnole. Après lui on n'écrit plus comme avant : la poésie espagnole s'assouplit et se libère des contraintes qui pesaient sur elle à la fin du xixe siècle ; elle récupère son droit de cité dans la littérature universelle. La poésie de Darío est devenue un point de repère : pour ou contre lui, les plus grands poètes qui lui succèdent, Jiménez, Salinas, Vallejo, Neruda, Borges, Cernuda, Paz, n'ont pas échappé à son influence, et leur poésie se définit nécessairement par rapport à la sienne.

Dans un domaine plus spécifiquement hispano-américain, Rubén Darío a su revendiquer pour tous les écrivains de son continent le droit d'aborder librement tous les thèmes, même ceux qui paraissaient traditionnellement réservés à l'Europe, en une langue qui ignore délibérément les interdits académiques. Ce faisant, il prépare la voie à une littérature qui fuira des contraintes où elle ne se reconnaît pas, la seule littérature qui puisse, en Amérique hispanique comme partout ailleurs, constituer une parole neuve.

Le premier exemple en est ainsi le modernisme où les écrivains – qui n'ont plus à jouer un rôle politique – prennent conscience des possibilités d'un langage nouveau. On a souvent reproché à Rubén Darío et à ses amis l'imitation des modèles européens, surtout français ; on n'a pas assez compris que cette imitation signifiait non pas le snobisme de l'étranger, mais la reconnaissance d'un monde moderne qui refusait de trouver sa forme dans la rhétorique officielle proposée par l'Espagne et ses anciennes colonies au xixe siècle : « On a dit que le modernisme fut une évasion de la réalité américaine. Il serait plus exact de dire que ce fut une façon de fuir l'actualité locale – qui était, aux yeux des modernistes, un anachronisme – à la recherche d'une actualité universelle, la seule et véritable actualité » (O. Paz).

— Sylvia MOLLOY

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Écrit par

  • : professeur à la State University of New York, Buffalo

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