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NOUREEV RUDOLF (1938-1993)

Un danseur planétaire

Pour sa première tournée américaine avec Fonteyn et le Royal Ballet, en 1965, Noureev paraît en couverture de Time et Newsweek, évènement inédit pour un danseur. À l'ère du star-system, celui que l'on surnomme le Membre senior des Rolling Stones, tant sa renommée est grande en Grande-Bretagne, devient une vedette incontournable des soirées mondaines comme des émissions de télévision les plus populaires. Symbole d'une jeunesse libre et rebelle, le voici devenu l'idole d'une jeune génération occidentale, attirant de nouveaux spectateurs pour le ballet dans des lieux inédits (palais des sports, stades, etc).

Noureev plaît d'autant plus à un public de néophytes qu'il lui montre une autre manière de danser. Ses débuts tardifs lui ayant évité de s'enfermer précocement dans certains carcans, il transgresse les codes d'un art épris de conservatisme et l'ouvre à la sensualité et à l'érotisme, usant d'une poésie lyrique proche d'une danse plus féminine, qu'il revendique ouvertement. Dans le même temps, il possède les attributs d'un grand danseur classique : puissance du mouvement, attaque, bravoure des sauts, force de ses « portés ». Au final, cette androgynie choque les puristes, mais séduit un public renouvelé. Un inextinguible besoin de la scène amène Noureev à assurer jusqu'à 250 soirées par an, et à multiplier les rôles (plus de 120), les théâtres, les partenaires, les prestations dans les compagnies qui l'invitent (Royal Ballet de Londres, Scala de Milan, Opéra de Paris, Ballet royal danois, suédois, hollandais, Ballets de Zurich, Nancy, Berlin, Vienne, Rome, Boston, London Festival Ballet, Scottish Ballet, Ballet national du Canada, Australian Ballet…). Omniprésent, il crée aussi son propre groupe, le Nureyev and Friends, qui sillonne le monde de 1974 à 1991.

« Tel un assoiffé qui voulait boire du savoir », comme il l'écrit dans son autobiographie (1962), Noureev s'intéresse à tous les styles de danse, non sans difficultés. Interprète idéal des ballets de Marius Petipa, étiqueté « danseur romantique », il peine à imposer des rôles plus comiques, comme dans La Fille mal gardée (musique de Ferdinand Herold, chorégraphie de Frederic Ashton, 1960) ou Coppélia (musique de Léo Delibes, chorégraphie de Erik Bruhn, 1975), alors qu'il possède un évident potentiel d'acteur. Resté en Occident pour y découvrir d'autres styles, il interprète des œuvres du chorégraphe danois August Bournonville (1760-1843) comme La Sylphide (musique de Herman Løvenskjold, 1836),Fête des fleurs à Genzano (musique de E. Helsted et Holger Paulli, 1858), et reprend les ballets immortalisés par Vaslav Nijinski (1889-1950), tels Petrouchka (musique de Igor Stravinski, chorégraphie de Michel Fokine, 1911), Le Spectre de la rose (musique de Carl Maria von Weber, chorégraphie de Michel Fokine, 1911), ou encore L'Après-midi d'un faune (musique de Claude Debussy, chorégraphie de Vaslav Nijinski, 1912). Pour autant, Noureev ne réussira pas à séduire Georges Balanchine (1904-1983) qu'il vénère, et dont il danse quelques œuvres seulement, comme Apollon (musique de Igor Stravinski, 1928). Le chorégraphe américain créera une seule œuvre pour Noureev : Le Bourgeois gentilhomme (musique de Richard Strauss, 1979).

Intrigué par la danse contemporaine, Noureev est l'un des premiers danseurs classiques à y faire de nombreuses incursions. Se voulant un « chasseur de chorégraphes », il interprète des œuvres de Rudi van Dantzig (The Ropes of Time, musique de Jan Boerman, 1970), Hans van Manen (Four Schumann Pieces, musique de Robert Schumann, 1975), Maurice Béjart (Le Chant du compagnon errant, musique de Gustave Malher, 1971), et de nombreux chorégraphes américains : Glen Tetley (Pierrot Lunaire, musique de Arnold Schönberg,[...]

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Rudolf Noureev - crédits :  Michael Ward/ Getty Images

Rudolf Noureev

Margot Fonteyn et Rudolf Noureev - crédits : Victor Blackman/ Hulton Archive/ Getty Images

Margot Fonteyn et Rudolf Noureev

Autres références

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