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RUDOLF VON EMS (mort en 1254 env.)

On ignore les dates de naissance et de décès de Rudolf von Ems, et la vie de ce grand écrivain reste dans l'ombre. Il est issu d'une famille de ministériaux au service de la famille de Montfort, et originaire d'Ems (Domat, au-dessus de Chur, dans la région du lac de Constance) avant de s'installer en Autriche, dans le Vorarlberg. Poète à la cour des Hohenstaufen, Rudolf a été en contact étroit avec les milieux politiques de son temps, notamment par le biais de Conrad de Winterstetten, échanson impérial et l'un de ses mécènes. On suppose qu'il mourut en Italie, peu après 1254, alors qu'il accompagnait le roi Conrad IV.

Écrivain prolixe, Rudolf von Ems nous a laissé une œuvre de plus de quatre-vingt-dix mille vers grâce à laquelle nous reconnaissons en lui un élève des grands maîtres allemands, resté très attaché à l'idéal courtois et chevaleresque. Rudolf a lu Heinrich von Veldeke, Hartmann von Aue, Wolfram von Eschenbach, Gottfried de Strasbourg et bien d'autres poètes encore. Sa grande période d'activité se situe entre 1220 et 1254.

Rudolf von Ems a écrit des légendes hagiographiques, dont une, Saint Eustache, est perdue ; Barlaam et Josaphat (vers 1230) se présente comme l'adaptation chrétienne de la légende de Bouddha. Il a composé des romans, un Alexandre le Grand (après 1235) inachevé, où il suit Quinte-Curce, Guillaume d'Orléans (vers 1240), dont la source française est perdue, et surtout Le Bon Gérard qui revêt une portée symbolique : le héros en est un marchand entièrement acquis à l'idéal chevaleresque et courtois, qui ne songe qu'à imiter le genre de vie de l'aristocratie ; sans être de noble naissance, Gérard possède toutes les vertus d'un chevalier et son personnage reflète à merveille les aspirations du patriciat des grandes villes allemandes en ce milieu du xiiie siècle. À la demande de Conrad IV, Rudolf entreprend de rédiger, vers 1250, la Chronique universelle, dont le succès est attesté par la présence de plus de quatre-vingts manuscrits ; mais l'œuvre, organisée selon le schéma classique des « âges du monde » et traitant simultanément l'histoire biblique et l'histoire profane, s'arrête à la mort de Salomon, au bout de 33 500 vers.

Dans tous ses écrits, Rudolf élimine le merveilleux et l'aventureux au profit de la réalité, car son but est toujours didactique : ses récits sont des morales adressées aux princes. En ce sens, il reflète, comme Konrad von Würzburg, le changement profond qui s'est produit depuis l'époque des grands classiques : la fiction pure ne satisfait plus ; on cherche la clé du présent et de l'avenir dans la réalité du passé, et les grands hommes morts deviennent des exemples à suivre.

— Claude LECOUTEUX

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Écrit par

  • : professeur de langues et littératures allemandes et germaniques à l'université de Caen

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