CAMERARIUS RUDOLPH JACOB (1665-1721)
D'une famille d'intellectuels, Rudolf Camerarius est le fils d'Elias Rudolph, docteur en philosophie et en médecine, qui fut professeur, puis recteur de l'université de Tübingen et membre de la célèbre Academia Caesareo-Leopoldina naturae curiosorum. Après de brillantes études, il quitte à vingt ans Tübingen pour faire, comme il était de règle dans la bonne société, son tour d'Europe occidentale, accueilli tour à tour dans les diverses capitales par les éminents savants qui y travaillent. À son retour, il est nommé professeur de médecine à l'université et est appelé à l'Academia, aux côtés de son père. Il donne des publications sans interruption de 1684 jusqu'à sa mort, le plus souvent dans le grand périodique des Ephemeridum germanicarum decuriae... annus... D'une curiosité sans bornes, il traite de sujets allant de la physique du globe à la médecine, en passant par les formes les plus diverses de la biologie. Le grand problème qui le hante tout au long de son existence est aussi vieux que le monde : la transmission et l'origine de la vie. La réflexion s'inscrit naturellement dans un temps historique, un temps de grande mutation, qui voit s'affronter deux mouvements irréductibles : tandis que les uns défendent encore ardemment le courant fin de siècle, héritier de l'Antiquité, qui agonise, les autres, voulant ignorer tout ou presque du passé, regardent exclusivement vers l'avenir. Au confluent de ces deux mondes, la position de Camerarius, moins tranchante, plus ouverte, est originale.
D'une part, en effet, il réfléchit en « moderne » aux problèmes du moment : citons par exemple celui de l'hermaphrodisme qu'il se réjouit, grâce entre autres à Swammerdam, de voir enfin émerger de la fable pour entrer dans le cadre de lois générales ; ou celui de l'ovisme et du spermisme, si grave, qu'après avoir lu Sténon, R. de Graaf, et après avoir rendu visite à Leewenhoek, il n'ose prendre position ; ou encore celui de la préexistence des germes auquel il consacre tout un discours (De generatione ex primaevo semine, 1694). Ses propres recherches le conduisent à des résultats importants : c'est lui qui a démontré expérimentalement pour la première fois le rôle mâle joué par le pollen dans la reproduction végétale (Epistola de sexu plantarum, 1694). Et là, il fait preuve d'un véritable esprit scientifique. Sur le plan des méthodes, il est en parfaite conformité de pensée avec R. Boyle qu'il avait vu à Londres et qui, s'appuyant sur Bacon, avait établi les principes de ce qu'il appelait l'experimental philosophy, à laquelle Camerarius rend hommage. En opposition là encore avec les tenants d'un passé qu'il juge révolu, il a horreur des mirabilia, il voudrait que jamais l'inexplicable ne fût attribué aux « jeux de la nature », enfin il fait tout ce qu'il peut pour éliminer expérimentalement la génération spontanée qui est une faille au cœur de l'édifice rationnel édifié par la pensée humaine. Car il a l'intuition que, sous l'apparente et déroutante multiplicité de ses présentations, le monde est un. Peut-être est-ce à Aristote, dont il a sur son bureau les éditions de Scaliger et du Val, qu'il doit une part de ce profond désir de regrouper sous le plus petit nombre possible de lois universelles tous les ordres de la nature.
Et c'est ici d'autre part que les Anciens vont apparaître. Car si l'expérience est souveraine pour démontrer (alors que les vieux médecins affirmaient à l'aide de citations grecques ou latines), les Anciens peuvent toujours être un point de départ dans le domaine des hypothèses ou celui de la philosophie générale ; d'où le rôle joué par Empédocle et Aristote en particulier chez Camerarius. Mais il était trop parfait humaniste pour oublier complètement les[...]
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Écrit par
- Anne-Marie PRÉVOST : maître-assistante à l'université de Paris-X
Classification
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