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TAMAYO RUFINO (1899-1991)

Né au tournant du siècle à Oaxaca, dans un Mexique religieux et populaire, Rufino Tamayo doit à l'Église de son enfance le goût de la vie intérieure et la sensibilité aux images et aux couleurs. Tamayo est vite lassé par l'académisme des cours de l'École des beaux-arts. Dès 1921, il est nommé au Musée archéologique de Mexico. Il étudie alors de près les arts préhispaniques, qui seront une révélation pour l'ensemble de son travail à venir. Sa liberté dans l'expérimentation technique et sa verve puisée à la source de l'histoire font vite remarquer son originalité. Pris par le mouvement culturel qui prolonge la révolution mexicaine dans les années 1920, Tamayo dépasse bientôt les positions des Muralistes. Car il entend ne pas se limiter à une peinture politique et sociologique, même si dans son œuvre quelque chose demeure de « cet art monumental et héroïque, humain et populaire » dont parle Siqueiros. Au terme de sa carrière, Tamayo aura produit une vingtaine de peintures monumentales, en plusieurs espaces publics au Mexique, ainsi qu'un Prométhée donnant le feu au monde pour l'U.N.E.S.C.O. à Paris (1958). Curieux d'autres formes d'art, il découvre dès 1926 à New York l'avant-garde européenne et s'attache à la peinture de chevalet. « La valeur de l'œuvre peinte, dit-il, tient à la résolution de problèmes plastiques. » Aux yeux des Muralistes, il passe dans le camp « snob » de la peinture européenne quand il s'installe à New York en 1937. Il y rencontre un succès rapide (première exposition personnelle en 1937), dû à son talent pictural, à son travail sur la couleur, fervent et discret – ses rouges de terre, de chair et de feu –, mais aussi à son rôle d'ambassadeur culturel : il participe régulièrement à la vie des instances culturelles mexicaines, nord-américaines et internationales. Le modernisme et l'exigence formelle de sa peinture qu'il dit « parfaitement réaliste mais heureusement non descriptive » le rapprochent d'une attitude « européenne » vis-à-vis de la matière picturale, tout comme l'aspect systématique d'une recherche qui associe le goût des textures d'un Dubuffet aux jubilations colorées d'un Miró, l'attention au signe d'un Klee à la liberté d'expression d'un Pollock ; une expression qui ne se coupe jamais complètement de l'image, en particulier d'une vision d'un corps humain allégorique, un corps désirant, souffrant, cosmique, lieu de tous les mystères. Une longue carrière remplie de rencontres importantes (c'est André Breton qui préface sa première exposition parisienne, en 1950), d'ouvertures techniques (lithographie et gravure à partir de 1951) ne lui font jamais oublier la « mexicanité » de son travail. Sa consécration internationale est confirmée par des rétrospectives comme celle du musée d'Art moderne de la Ville de Paris en 1974, du musée Guggenheim à New York en 1979, ou, avant celle de 1988 au Centro de Arte Reina Sofia de Madrid, celle de 1987 au Museo de Arte contemporeáno internacional Rufino Tamayo, à Mexico, qui consacre la reconnaissance générale de Tamayo dans son pays. Octavio Paz, cet autre Mexicain du monde, qui a souvent écrit sur l'œuvre de Tamayo (Tamayo en la pintura mexicana, Mexico, 1959), reconnaît à cette œuvre, qui traverse le siècle, des attaches dans la modernité esthétique occidentale comme dans l'art traditionnel méso-américain et la place avec raison au point de rencontre (de convergence, dirait-il) inspiré entre les cultures. En faisant subir à l'expressionnisme et au baroque l'épreuve de l'ascétisme plastique, Tamayo dessine une position d'intelligence avancée par rapport à l'état et au devenir des cultures du monde d'aujourd'hui.

— Christophe[...]

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