GERLIN RUGGERO (1899-1983)
Dans la mouvance de Wanda Landowska, toute une génération d'interprètes et de musicologues ont contribué au regain d'intérêt dont bénéficie désormais le clavecin. Si l'approche d'ensemble de la prestigieuse claveciniste polonaise garde toute sa vie au travers des enregistrements qu'elle a légués, certaines de ses conceptions — touchant notamment à la démarche musicologique et à la facture instrumentale — sont dépassées par celles des clavecinistesde la génération suivante, plus proches du contexte historique véritable. Ceux-ci, trop jeunes pour avoir étudié directement avec Wanda Landowska, ont souvent travaillé avec ses disciples, qui constituent un trait d'union capital dans cette évolution : Ralph Kirkpatrick (1911-1984), Ruggero Gerlin (1899-1983), Isabelle Nef (1898-1976), Antoinette Vischer (1909-1973), Aimée van de Wiele (1907-1991), Rafael Puyana (1931-2013)...
Ruggero Gerlin voit le jour à Venise le 5 janvier 1899. Il reçoit une formation de pianiste au conservatoire Giuseppe Verdi de Milan avant de se fixer à Paris, où il travaille avec Wanda Landowska, d'abord à l'École normale de musique, à partir de 1920, puis à Saint-Leu-la-Forêt, dans le cadre de son école de musique ancienne. Il devient l'un de ses partenaires privilégiés et joue souvent avec elle à deux clavecins. Dès 1929, il enregistre ses premiers disques. Surtout attiré par la musique ancienne, il reprend pourtant le Concert champêtre de Poulenc peu après sa création par Wanda Landowska, en 1929, et tient, en 1933, la partie de clavecin dans l'enregistrement de la musique de Jacques Ibert pour le film de Pabst, Don Quichotte (avec Fedor Chaliapine dans le rôle titre).
Ruggero Gerlin quitte la France au moment des hostilités et se fixe à Naples, où il est nommé professeur au conservatoire San Pietro a Majella (1941). Il s'intéresse alors à l'édition musicale des œuvres anciennes, jusqu'alors réalisée dans une optique pianistique. En 1943, il publie l'édition intégrale des sonates de Domenico Scarlatti, qui sera suivie, notamment, de celles de Benedetto Marcello et de Gianbaptista Grazioli. À partir de 1947, il enseigne chaque été à l'académie Chigiana de Sienne, où il compte parmi ses élèves l'élite des clavecinistesde la seconde moitié du xxe siècle : Huguette Dreyfus, Kenneth Gilbert, Blandine Verlet, Jean-Patrice Brosse...
Sa production discographique est relativement limitée : il grave principalement l'intégrale des concertos pour clavecin de Jean-Sébastien Bach, au début des années1960, en compagnie de certains de ses disciples pour les concertos à plusieurs claviers.
De 1920 à 1940, il a joué sur un clavecin Pleyel avant d'opter pour un Neupert (modèle Bach). Mais la question des instruments anciens l'intéressait peu. Il cherchait avant tout à reconstituer une démarche musicale sincère, à l'image de l'homme qu'il était — l'authenticité n'étant pas le critère absolu mais un élément parmi d'autres contribuant à faire vivre, en tout temps, la musique du passé.
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Écrit par
- Alain PÂRIS : chef d'orchestre, musicologue, producteur à Radio-France
Classification
Média