RULES RATHER THAN DISCRETION : THE INCONSISTENCY OF OPTIMAL PLANS, F. E. Kydland et E. C. Prescott Fiche de lecture
Finn E. Kydland, économiste norvégien né en 1943, et Edward C. Prescott, économiste américain né en 1940, ont entamé dans les années 1970 une fructueuse collaboration à la Carnegie-Mellon University de Pittsburgh (Pennsylvanie). Elle s'est notamment traduite par la publication de deux articles (dont « Rules rather than discretion : The Inconsistancy of optimal plans » en 1977 dans le Journal of Political Economy) pour lesquels ils recevront en 2004 le prix d'économie de la Banque de Suède en mémoire d'Alfred Nobel. Aux côtés de Robert E. Jr. Lucas et des initiateurs de la nouvelle économie classique, ils ont activement participé à la révolution de la macroéconomie dans les années 1970 et profondément renouvelé, avec cet article, l'étude des politiques économiques.
L'incohérence temporelle des politiques discrétionnaires
Kydland et Prescott comparent l'efficacité de deux types de politique économique. L'autorité publique peut suivre des règles (rules) préétablies ou, au contraire, mener une politique discrétionnaire (discretion) en adaptant ses choix à chaque période selon les circonstances. Ils montrent qu'il est préférable que l'autorité publique s'en tienne à des règles même si, ce faisant, elle se prive d'une certaine liberté d'action. Cette conclusion paradoxale provient de ce que la politique discrétionnaire souffre d'un problème d'incohérence temporelle (time inconsistency) la rendant inefficace.
Il y a incohérence temporelle lorsque, pour la même question, l'autorité publique ne prend pas la même décision à deux instants différents. Au cours du temps, l'autorité publique dévie de la politique initialement suivie. La question porte alors sur la capacité des agents privés à anticiper ou non ces déviations. Pour Kydland et Prescott, les agents privés connaissent les principes régissant le comportement de l'autorité publique (c'est-à-dire ses objectifs, ses contraintes et ses moyens d'action) et, conformément à l'hypothèse d'anticipations rationnelles, ils utilisent toute cette information pour prendre les meilleures décisions en tenant compte, le cas échéant, des déviations attendues. Les politiques discrétionnaires sont donc inefficaces car elles ne tiennent pas compte de ce mécanisme d'influence de la politique économique sur les comportements des agents privés.
Pour illustrer ce mécanisme, Kydland et Prescott prennent le système de brevet comme exemple. Le brevet protège l'inventeur en lui accordant une position de monopole sur son invention afin qu'il puisse rentabiliser son investissement. Ce système ne pourrait pas fonctionner s'il était régi par une politique discrétionnaire. L'autorité publique aurait en effet intérêt à protéger les inventeurs avant qu'ils investissent puis à leur enlever cette protection une fois l'invention réalisée, afin d'en favoriser la diffusion. Dans ce contexte, les investissements ne seraient jamais réalisés car les agents privés anticiperaient que la politique de protection initialement annoncée ne sera pas poursuivie. Pour que les investissements aient lieu, il faut que l'autorité publique puisse s'engager de manière crédible à ne pas dévier de la politique initialement annoncée – ce que permet une règle et non une politique discrétionnaire.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Fabien TRIPIER : maître de conférences
Classification