RULES RATHER THAN DISCRETION : THE INCONSISTENCY OF OPTIMAL PLANS, F. E. Kydland et E. C. Prescott Fiche de lecture
L'inefficacité de la politique monétaire discrétionnaire
Kydland et Prescott étudient de manière plus approfondie la politique monétaire. Dans les années 1970, l'existence d'un arbitrage à court terme entre l'inflation et le chômage justifiait l'usage de la politique monétaire pour le réglage conjoncturel de l'économie. Kydland et Prescott montrent que, sous l'hypothèse d'anticipations rationnelles, cette politique est inefficace et coûteuse.
Pour comprendre les implications de cette hypothèse pour la politique monétaire, il faut rappeler que les salaires nominaux ne peuvent généralement pas réagir instantanément à des changements de l'environnement économique, car ils ne sont pas renégociés à chaque instant. Une augmentation de la quantité de monnaie s'accompagnant d'une augmentation des prix, elle entraîne aussi une baisse du salaire réel des travailleurs si les salaires nominaux ont déjà été fixés. Pour les entreprises, cela correspond à une diminution du coût réel du travail les amenant à augmenter leur demande de travail. On comprend dès lors l'intérêt pour les travailleurs d'anticiper l'évolution future de la quantité de monnaie lors de la fixation des salaires nominaux afin de se prémunir contre une baisse du pouvoir d'achat de leur salaire. C'est à ce niveau qu'intervient la différence entre une politique discrétionnaire et une règle. Dans le cas d'une politique discrétionnaire, les travailleurs anticipent que l'autorité monétaire aura intérêt, lorsque les salaires nominaux auront été fixés, à réaliser une expansion monétaire afin de stimuler l'activité économique. Cette anticipation est à l'origine d'une augmentation des salaires nominaux lorsque ceux-ci sont renégociés, assurant aux travailleurs un salaire réel inchangé, avec pour conséquence que l'expansion monétaire n'aura aucun effet sur le niveau d'emploi. Le point important est qu'en plus d'être inefficace (le chômage ne diminue pas) la politique monétaire discrétionnaire est coûteuse, puisqu'elle se traduit par un supplément d'inflation. Le seul moyen pour l'autorité monétaire d'éviter ce biais inflationniste est de s'engager de manière crédible à ne pas ajuster sa politique à la situation économique ; c'est-à-dire à suivre une règle.
Cette analyse de l'inflation a connu un succès important en raison de la forte ressemblance entre la stagflation (c'est-à-dire la coexistence de niveaux élevés d'inflation et de chômage) que connaissaient la plupart des économies industrialisées dans les années 1970 et le biais inflationniste décrit par Kydland et Prescott. Par la suite, la question de la crédibilité des engagements des autorités monétaires est devenue centrale dans la conduite de la politique monétaire.
Avec Rules Rather than Discretion, Kydland et Prescott ont profondément renouvelé l'économie politique en mettant en avant l'importance des choix individuels (tels que les étudie la microéconomie) et des interactions stratégiques (telles que les modélise la théorie des jeux). Après cet article, la politique économique ne peut plus être vue comme le résultat d'une libre manipulation de l'économie par l'autorité publique : il est nécessaire de comprendre les interactions entre les comportements des agents privés et ceux de l'autorité publique. L'étude de ces interactions s'est depuis lors considérablement enrichie, notamment par le rapprochement des sciences économiques et des sciences politiques, pour prendre en compte d'autres dimensions, comme la désignation des responsables politiques ou le rôle des institutions politiques.
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Écrit par
- Fabien TRIPIER : maître de conférences
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