RUSSIE (Arts et culture) L'art russe
Par art russe ancien les historiens de l'art désignent la période d'activité artistique qui débute en Russie par l'adoption du christianisme, en l'an 988, et se poursuit jusqu'à la réforme de Pierre le Grand, au début du xviiie siècle, moment où l'art religieux d'inspiration byzantine est remplacé par un art profane qui participera à tous les grands courants de l'art occidental : baroque, néo-classicisme, romantisme et réalisme. Jusqu'au début du xxe siècle, l'art russe ancien était fort mal connu, et certains historiens ne le reconnaissaient pas comme art. La plupart des icônes disparaissaient sous les repeints successifs, et personne ne se doutait que, sous cette croûte noirâtre, dormaient des couleurs étincelantes. Après la révolution d'Octobre, les travaux de restauration du patrimoine artistique national se développèrent grâce à l'encouragement direct de l'État. À l'heure actuelle, bien des chefs-d'œuvre ainsi rendus à la vie sont visibles dans les musées de Moscou, de Saint-Pétersbourg et de maintes autres villes. En 1960, un musée Roublev s'est ouvert à Moscou. À la façon des Italiens de la Renaissance qui étaient fascinés par l'art romain, les Russes éprouvèrent toujours un attrait privilégié pour l'art byzantin. Mais il ne faudrait pas en conclure que leur production artistique ne fut qu'une ramification de celle de Byzance. Au contraire, un développement échelonné sur plusieurs siècles lui conféra une vigoureuse singularité nationale. Le spécialiste distingue au premier coup d'œil le sanctuaire ou l'image sainte russe et l'œuvre d'art byzantin. Son originalité nationale, l'art russe la doit au fait d'exprimer la conscience que le peuple russe a de son devenir, de son histoire. L'art byzantin est celui d'un empire qui ne cesse de se dégrader pendant un millénaire, jusqu'à sa disparition définitive. L'art russe est celui d'un peuple ayant su, malgré des épreuves terribles, conserver son autonomie et constituer un État vivace et puissant.
Bien que la majorité des monuments russes soient d'inspiration religieuse, leur liaison avec la vie populaire est indéniable. Si les œuvres importantes apparaissaient sur l'initiative des tsars, des princes et des boyards, à côté d'elles existait une Russie paysanne possédant un vigoureux folklore et exerçant une influence certaine sur l'« art savant ». C'est sans doute ce qui explique que l'art russe ne porte jamais le cachet aristocratique de Byzance et que l'art religieux de la Russie n'a pas connu l'ascétisme de l'art monacal de l'Orient. Certes, bien des artistes de ce passé national furent des prêtres ou des moines tenus d'observer les canons religieux, mais cela ne les empêche nullement d'être hautement sensibles à l'aspect esthétique. C'est ce qui vaut à l'art russe ancien l'intérêt exceptionnel des contemporains, qui y découvrent un goût très sûr, un sens raffiné de la forme et de la couleur. Rappelons qu'Henri Matisse fut l'un des premiers admirateurs de l'icône russe.
L'art russe ancien
L'art kiévien
Si l'on ne sait que peu de chose sur l'art du paganisme slave, c'est parce qu'il fut anéanti par les néophytes après la christianisation. C'est en tout cas à une équipe de peintres et d'architectes grecs que le prince Vladimir de Kiev confia de bâtir et de décorer les églises de sa capitale. En outre, il fit installer sur la place du Marché deux statues et un quadrige en bronze ramenés de la Chersonèse. Ainsi, la conversion de la Russie à l' orthodoxie grecque se doubla d'une ouverture sur la culture antique.
Les plus anciennes de ces églises sont la cathédrale Sainte-Sophie de Kiev[...]
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Écrit par
- Michel ALPATOV : ancien membre de l'Académie des beaux-arts de l'U.R.S.S.
- Olga MEDVEDKOVA : chargée de recherche au centre André-Chastel, université de Paris-IV-Sorbonne, docteur en histoire et civilisation de l'École des hautes études en sciences sociales, habilitée à diriger les recherches
- Cécile PICHON-BONIN : chercheuse associée au Centre d'histoire de Sciences Po
- Andreï TOLSTOÏ : docteur en histoire de l'art, membre de l'Académie russe des beaux-arts de Saint-Pétersbourg, professeur de l'Institut d'architecture de Moscou, directeur de l'Institut scientifique et de recherche sur la théorie et l'histoire de l'art de Moscou
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Médias