- 1. La littérature médiévale (XIe-XVIIe siècle)
- 2. La littérature européenne en Russie (1730-1825)
- 3. La littérature de l'intelligentsia (1825-1890)
- 4. La littérature d'art (1890-1917)
- 5. La littérature soviétique (depuis 1917)
- 6. La littérature russe émigrée
- 7. La littérature postsoviétique
- 8. La poésie
- 9. Les nouvelles écritures dramatiques
- 10. Bibliographie
- 11. Site internet
RUSSIE (Arts et culture) La littérature
La poésie
Les énergies qui, à partir de 1991, animent la poésie russe de l’ère postsoviétique sont nées bien plus tôt, sous le régime des soviets, vers le milieu des années 1950. Dès cette époque, on a vu apparaître, aux marges du corps social et de l'institution littéraire, de nouveaux lieux d'invention et de réception où s’est poursuivie la reconquête d'une certaine « qualité lyrique ». En même temps que le « dégel » provoquait l'émergence ouverte d'une néo-avant-garde qui proclamait à voix haute sa rébellion contre l'entropie artistique stalinienne (Evtouchenko, Voznessenski, Akhmadoulina), avant de se laisser à son tour officialiser, des groupes informels sont apparus. Ils ont inventé des poétiques en rupture avec la vulgate de l'optimisme officiel, battant en brèche son interdit le plus saillant – celui de l'innovation formelle.
Ces nouvelles poétiques cherchent à renouer le lien perdu avec celles des années 1920 : futurisme à Moscou, absurdistes de l'Obériou à Leningrad. Des survivants assurent le relais : à Moscou, Kroutchonykh réunit autour de lui un cercle de jeunes poètes, dont Guennadi Aïgui. À Leningrad, ce rôle est joué par le philosophe Drouskine, ami et légataire des « absurdistes » Kharms et Vvedenski. La visite à Anna Akhmatova, retirée à Komarovo, devient le pèlerinage obligé de ceux qui, à sa mort en 1966, deviendront les « orphelins d'Akhmatova » : Dmitri Bobychev, Iossip Brodski, Anatoli Naïman, Evgueni Rein.
La poésie au centre de la « seconde culture »
La poésie est appelée à jouer un rôle décisif dans la constitution de l’espace de création « aux marges » qu’on appellera la « seconde culture ». Dès les années 1960 et 1970, elle habite en force le « souterrain » où se mettent en place, avec une vitalité remarquable, d'autres modes d'échanges culturels, artistiques et intellectuels. Le geste poétique a tout d’un geste politique. Un réseau parallèle se constitue, dont le samizdat, qui permet la diffusion clandestine des textes, sera la cheville ouvrière. Ateliers d'artistes, cuisines, cafés (à Leningrad, le Café des poètes, où Brodski lit ses premiers vers, puis le Saïgon, rendez-vous de la bohème artistique dans les années 1970) deviennent les lieux de rencontre d'artistes rebelles, en quête de nouvelles formes d'expression et de diffusion. Parallèlement, les Lito, ces clubs littéraires qui fonctionnent à l'abri des institutions (maisons de la culture, éditions d'État, etc.), quittent leur rôle de gardiens de l'officialité lorsqu'un animateur de talent (à Leningrad, Gleb Semionov) les transforme en espaces de création et de formation. Des almanachs et des revues « non officiels » font leur apparition, édités artisanalement dans un circuit de typographies parallèles (la première, Syntaxis, d’Alexandre Guinzbourg, paraît en 1959-1960).
Vers un nouveau langage poétique
Dès 1955 s’est constitué à Moscou le groupe non officiel dit « de Tchertkov », du nom de son principal animateur, Leonid Tchertkov (1933-2000), composé en majorité d'étudiants en langues étrangères de l'université de Moscou, très ouvert sur l'art occidental et dominé par le surréalisme tragique de Stanislav Krasovitski. À la fin de la décennie, on voit apparaître un autre groupe, celui des « poètes des baraques », qui réunit à Lianozovo, dans la banlieue de Moscou, des peintres et des poètes « concrétistes » dont les plus connus, Evgueni Kropivnitski (1893-1979) et Igor Kholine (1920-1999), deviendront les ancêtres de tout un mouvement axé sur la représentation primitiviste et grotesque d'une réalité sociale que refoulaient les thématiques officielles. Le groupe accueille Vsevolod Nekrasov (1934-2009), que son travail sur la parole en éclats et l'ellipse généralisée conduira à une pratique, très nouvelle en Russie,[...]
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Écrit par
- Michel AUCOUTURIER : professeur à l'université de Paris-Sorbonne et à l'École normale supérieure
- Marie-Christine AUTANT-MATHIEU : directrice de recherche au CNRS, directrice adjointe de l'UMR 8224 EUR'ORBEM (université de Paris--Sorbonne - CNRS)
- Hélène HENRY : ancienne élève de l'École nationale supérieure de Sèvres, maître de conférences honoraire à l'université de Paris-Sorbonne
- Hélène MÉLAT : maître de conférences en littérature et culture russes, Sorbonne université
- Georges NIVAT : professeur honoraire à l'université de Genève, recteur de l'université internationale Lomonosov à Genève, président des Rencontres internationales de Genève
Classification
Médias