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RUSSIE (Arts et culture) La littérature

Les nouvelles écritures dramatiques

Après deux générations de dramaturges soviétiques travaillant souvent en compagnonnage avec les metteurs en scène, certains auteurs, avant même la « perestroïka », avaient tenté de résister à la normalisation en se regroupant en ateliers – comme dans le studio d’Alexeï Arbouzov (1908-1986) –, en faisant jouer leurs pièces dans des lieux parallèles ou en marge du circuit officiel (« petites scènes » des théâtres d'État, troupes d'amateurs, d'étudiants, voire appartements). C'est dans cet espace « off » qu'Alexeï Kazantsev (1945-2007), Semion Zlotnikov, Ludmila Razoumovskaïa, Vladimir Arro, Edvard Radzinski ont été découverts par un public jeune et anticonformiste. Ces dramaturges semi-clandestins, dans le sillage d'Alexandre Vampilov (1937-1972), ont formé une « nouvelle vague » pour dénoncer l'hypocrisie ordinaire, refuser tout « message », témoigner de leur temps en se mettant à l'écoute des souffrances de leurs semblables, exprimées dans une langue familière, parfois grossière, jusque-là inacceptable au théâtre. Ils ont dû attendre la fin des années 1980 pour obtenir droit de cité. Mais, à l'exception de quelques pièces de Ludmila Petrouchevskaïa (Trois Jeunes Filles en bleu, 1985), d'Alexandre Galine ou de Viktor Slavkine, le public prise peu ces textes qui dépeignent des réalités souvent sordides et qui, après 1991, appartiennent à un passé désormais révolu. Même les pièces fantastiques de Nina Sadour (Allez, roulez !) ne touchent pas le grand public : il les trouve trop énigmatiques et sombres. Il leur préfère les œuvres plus divertissantes de Nadejda Ptouchkina ou du très populaire Nikolaï Koliada (La Polonaise d’Oginski). La relève se fait difficilement. Les metteurs en scène des années 1990 se tournent vers les classiques, les œuvres interdites et les pièces occidentales. Les nouveaux auteurs, redoutant l'embrigadement dans des groupes ou des écoles, font cavalier seul.

Un renouveau

Cependant, au milieu des années 1990, grâce à la pugnacité d'auteurs-organisateurs tels que Mikhaïl Rochtchine, Alexeï Kazantsev et Elena Gremina, au soutien éditorial de revues comme Sovremennajadramaturgia, aux prix Antibookers qui sortent de l’ombre des débutants : Ivan Savelev, Oleg Bogaev, Vassili Sigariov, grâce aussi à l’organisation de séminaires, festivals, lectures (Debiout, Chtchelikovo, Lioubimovka), un frémissement s’amorce qui se concrétise avec, en 1998, la création du Centre de dramaturgie et de mise en scène dirigé par Mikhaïl Rochtchine et Alexeï Kazantsev. Il sera un relais précieux entre la dramaturgie soviétique, la nouvelle vague des années 1980-1990 et les nouvelles écritures. Cette structure sans lieu permanent, sans troupe, propose des spectacles chocs (La Pâte à modeler de Sigariov, 2001) qui attirent l’attention du public et des médias. Au prestigieux Théâtre d’Art de Moscou qui leur ouvre ses portes, le metteur en scène Kirill Serebrennikov sidère les habitués de Tchekhov ou Ostrovski quand il monte Terrorisme (2002) et Playing the victim (2004) des frères Oleg et Vladimir Presniakov. En réaction à l’écrit suspect, qui a véhiculé des années durant les mensonges de la propagande et les messages corrects des bien-pensants, les nouveaux auteurs privilégient la langue verte, jugée plus vivante, plus vraie de par sa spontanéité. Ils affectionnent les situations grotesques, scabreuses, absurdes ou sordides du quotidien ordinaire. Émerge ainsi une subculture, faite d’agressivité sociale, interethnique, familiale, aux antipodes des valeurs cultivées par l’intelligentsia.

En 2002, l’organisation du festival Le nouveau drame (2002-2009), accueilli au sein du prestigieux festival national de théâtre Le Masque d’or, attire l’attention d’un public nombreux sur L’Homme en[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-Sorbonne et à l'École normale supérieure
  • : directrice de recherche au CNRS, directrice adjointe de l'UMR 8224 EUR'ORBEM (université de Paris--Sorbonne - CNRS)
  • : ancienne élève de l'École nationale supérieure de Sèvres, maître de conférences honoraire à l'université de Paris-Sorbonne
  • : maître de conférences en littérature et culture russes, Sorbonne université
  • : professeur honoraire à l'université de Genève, recteur de l'université internationale Lomonosov à Genève, président des Rencontres internationales de Genève

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