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RUSSIE (Arts et culture) Le théâtre

Le théâtre des années 1920 en Russie soviétique

L'histoire du théâtre russe après 1917 doit se lire au carrefour du politique et de l'artistique, dans la tension entre expérimentation et idéologie. Malgré les premiers conflits entre les artistes et le pouvoir, il s'agit d'une période très féconde, véritable carrefour de tendances et de courants qui coexistent tout en s'opposant dans une grande violence polémique. Le tissu de la vie russe semble se convertir en théâtres.

Théâtre et politique

Le pouvoir bolchevique comprend vite la force et les enjeux d'une politique théâtrale, car, face à une population en partie analphabète, la scène est un moyen de propagande politique et d'éducation privilégié. Le Proletkult développe un théâtre spécifiquement ouvrier, et les formes que prend le théâtre révolutionnaire non professionnel sont multiples : théâtre au front pendant le communisme de guerre, groupes d'agit-prop qui créent des genres spécifiques comme le « journal vivant », théâtres auto-actifs, grandioses actions de masses en plein air (intsenirovki) qui s'inspirent des théories d'Ivanov (La Prise du Palais d'hiver, 1920, Pétrograd), Théâtres de la jeunesse ouvrière (T.R.A.M.) – ouvert en 1925, celui de Leningrad devient professionnel en 1928. Un réseau de troupes d'agitation, les Blouses bleues, couvre la Russie. Les scènes professionnelles bénéficient de cette soif de création et de cette ferveur populaire, que les carcans idéologiques viendront de plus en plus encadrer. À Moscou, la nouvelle capitale, sont fondés des théâtres représentant les différentes nationalités soviétiques, dont les plus célèbres sont le G.O.S.E.T., théâtre yiddish, dirigé par Alexandre Granovski, et la Habima, théâtre hébreu. Dans les différentes républiques, s'ouvrent des théâtres dont certains vont devenir très prestigieux : ainsi, le théâtre Roustaveli à Tbilissi, dirigé à partir de 1922 par K. Mardjanov. À Kiev, au théâtre Berezil, travaille Les Kourbas, qu'on appellera bientôt le « Meyerhold ukrainien ». C'est en quarante-cinq langues que se joue le théâtre soviétique.

La révolution des formes scéniques

En 1920, l'« Octobre théâtral » lancé par Meyerhold, devenu membre du Parti communiste en 1918, développe un programme radical : affirmation du rôle politique du théâtre, refus des normes de l'esthétique bourgeoise, soutien au théâtre amateur, simplification des décors, ouverture sur la place publique et sur la rue. C'est dans ses mises en scène qu'il le réalisera – Les Aubes en 1920, Mystère-Bouffe en 1921, la première pièce soviétique, œuvre de V. Maïakovski, Le Cocu magnifique en 1922 où débutent les acteurs Igor Ilinski et Maria Babanova. Dans ces spectacles, comme dans ceux de S. M. Eisenstein qui a commencé sa carrière au théâtre chez Meyerhold, dans les scénarios de Sergueï Radlov à la Comédie populaire, ou dans les programmes de Nikolaï Foregger au MastFor, sont appliqués des principes nouveaux. Ceux-ci concernent l'espace scénique et le dispositif, fonctionnel et non-figuratif, conçu pour un jeu d'acteur sportif et virtuose, se développant jusque dans la verticalité du plateau (constructivisme), l'organisation du texte (montage), l'engagement et la précision corporels des acteurs (entraînement biomécanique), l'activité du public. La scène s'ouvre largement aux techniques du cirque, du music-hall, du cinéma, de la danse. Comme toute l'avant-garde, la F.E.X. (Fabrique de l'acteur excentrique) érige Chaplin en modèle.

Si les futuristes veulent faire table rase de l'« héritage », le commissaire à l'Instruction publique Anatoli Lounatcharski préconise en 1923 un « Retour à Ostrovski », slogan que Meyerhold appliquera un an plus tard dans une mise en scène cinématographique[...]

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