- 1. La laborieuse sortie de l’économie planifiée
- 2. Les premières politiques de transition (1992-1998)
- 3. Le retour de la croissance en Russie
- 4. La réaffirmation de l’État dans l’économie russe
- 5. L’économie russe après la crise financière mondiale de 2008
- 6. Les défis structurels de l’économie russe
- 7. Bibliographie
RUSSIE (Le territoire et les hommes) Économie
Capitale | Moscou |
Unité monétaire | Rouble (RUB) |
Population (estim.) |
145 165 000 (2024) |
R.N.B. par habitant (USD) |
12 830 $ (2022) |
Les premières politiques de transition (1992-1998)
De 1992 à 1998, sous Boris Eltsine, les politiques économiques de la Russie s’inspirent d’abord du modèle polonais (« thérapie de choc », 1992-1994), puis cherchent la stabilisation financière préconisée par le FMI (1995-1998). Au cours de cette période, la production chute de presque 40 p. 100 et le niveau de vie se contracte comme jamais en temps de paix. Les inégalités sont multipliées par deux. Signe du stress que subit la population russe, la natalité s’effondre (il y a deux fois moins de naissances vivantes en 1996 qu’en 1985). Les maladies infectieuses, les décès liés au sida, à l’alcool, à la criminalité augmentent, de même que les suicides. L’espérance de vie à la naissance chute de cinq ans pour les hommes, de trois ans pour les femmes. Ainsi, à la fin de cette période, la population de la Russie diminue chaque année de 750 000 habitants environ.
Plusieurs économistes ont vivement critiqué ces réformes, regrettant pour l’essentiel qu’on ait oublié le rôle de l’architecture institutionnelle dans l’efficacité des politiques économiques. Les institutions sont des constructions collectives, formelles ou informelles, déterminantes dans la formation des comportements économiques individuels. Comme chaque pays dispose d’une architecture institutionnelle qui lui est propre, il réagit d’une manière différente de tous les autres à un même train de mesures : contrairement au credo de la thérapie de choc (notamment défendue par O. Blanchard et al., 1991), il n’existe pas de « one best way » de la transition. En outre, en raison du caractère brutal des ruptures imposées à la Russie, individus et entreprises, menacés pour la plupart dans leur survie économique immédiate, ont réagi en vidant de leur contenu les lois promulguées à l’époque.
Les trois piliers des réformes mises en œuvre en Russie (libéralisation, stabilisation, restructuration) ont également fait l’objet de nombreuses critiques. Selon P. Murrel (1996), la libéralisation des prix et des activités a surtout permis aux privilégiés de la période soviétique de consolider leurs positions dominantes sur les marchés. Pour R. Portes (1994), l’abandon des protections tarifaires a détruit les potentialités de développement industriel autochtone. J. Sapir (1993) estime quant à lui que la politique de stabilisation monétaire et financière a ignoré le caractère en partie non monétaire de l’inflation, ce qui a précipité la fin des anciens modes de coordination par une dynamique cumulative d’impayés. Enfin, pour J. Stiglitz (1994) et P. Murrel (1996), la conduite accélérée de la restructuration, accompagnée d’un retrait trop rapide de l’État et de ses programmes sociaux, a provoqué l’augmentation de la pauvreté et des inégalités sociales, sans toujours améliorer l’efficacité des entreprises. Pour résumer, les critiques des économistes ne portent pas sur le principe même des réformes, mais sur leur mise en place au sein d’une « thérapie de choc » dont l’application à la Russie n’était pas soutenable (J. Stiglitz, 2002 ; J. Sapir et al., 2012).
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Écrit par
- Julien VERCUEIL : maître de conférences en sciences économiques à l'Institut national des langues et civilisations orientales, Paris
Classification
Médias