- 1. La laborieuse sortie de l’économie planifiée
- 2. Les premières politiques de transition (1992-1998)
- 3. Le retour de la croissance en Russie
- 4. La réaffirmation de l’État dans l’économie russe
- 5. L’économie russe après la crise financière mondiale de 2008
- 6. Les défis structurels de l’économie russe
- 7. Bibliographie
RUSSIE (Le territoire et les hommes) Économie
Capitale | Moscou |
Unité monétaire | Rouble (RUB) |
Population (estim.) |
145 165 000 (2024) |
R.N.B. par habitant (USD) |
14 250 $ (2023) |
La réaffirmation de l’État dans l’économie russe
Dans ce contexte de rééquilibrage de l’économie, l’État russe de Vladimir Poutine entreprend de reconquérir certains secteurs industriels stratégiques. L’alourdissement de la fiscalité sur le secteur énergétique lui donne un levier pour la reprise en main du secteur : en 2003, sous prétexte d’arriérés fiscaux, il intente un procès à Ioukos, entreprise pétrolière à capitaux privés, la troisième du secteur. La société est démantelée, ses actifs revendus au géant public Rosneft, et Mikhaïl Khodorkovski, son ancien P-DG, est emprisonné. Par ailleurs, en 2005, le conseil d’administration de Gazprom (partiellement privatisée sous Boris Eltsine) approuve la vente de 10,5 p. 100 de son capital à l’État, ce qui permet à ce dernier de détenir la majorité des parts du numéro un mondial du gaz.
Cependant, aux frontières de la Russie, la géographie des ressources énergétiques change rapidement. En 2005, en Ukraine, la « révolution orange » porte au pouvoir un gouvernement pro-occidental qui prend ses distances avec le grand frère russe. L’année suivante, la société BP met en service l’oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan (BTC) : pour la première fois, un oléoduc transporte des hydrocarbures issus d’anciennes républiques de l’URSS, sans passer par le territoire de la Russie. Dès 2007, un gazoduc Bakou-Tbilissi-Erzurum (BTE) joue le même rôle pour le gaz. Voyant ainsi s’effriter son influence sur ses voisins, le pouvoir russe réagit aussitôt. Dès 2005, des pressions juridiques amènent, les unes après les autres, les sociétés occidentales ayant des concessions en Russie à céder leurs actifs aux sociétés publiques russes. En 2006, Gazprom, redevenue compagnie d’État, obtient le monopole d’exportation du gaz naturel.
En 2005-2006, une « crise du gaz » oppose la Russie à l’Ukraine : arguant de retards de paiements du client ukrainien, Gazprom réduit puis stoppe ses livraisons, bloquant l’approvisionnement de l’Europe occidentale. Le conflit se solde par une première augmentation des prix du gaz pour l’Ukraine. Une nouvelle crise du gaz oppose la Russie et l’Ukraine l’année suivante. L’Union européenne répond par une directive qui interdit de facto à Gazprom le contrôle des distributeurs ouest-européens. À la fin de l’été de 2008, la Russie confirme son statut de puissance régionale au cours du conflit militaire éclair qui l’oppose à la Géorgie (à gouvernance pro-occidentale). Les pourparlers sur l’entrée de la Russie dans l’Organisation mondiale du commerce (OMC) sont gelés à cette occasion : elle ne l’intégrera qu’en 2012.
Pendant cette période de tensions, les droits de propriété des investisseurs étrangers ne semblent plus aussi assurés qu’auparavant, et l’évasion des capitaux se fait à un rythme élevé. Pourtant, le flux d’investissements directs étrangers (IDE) entrants s’accroît. L’explication de ce paradoxe apparent tient dans l’origine de ces flux : ils viennent de paradis fiscaux, comme Chypre ou les Bermudes, vers lesquels se dirigent également en premier lieu les IDE sortants. De nombreuses entreprises à capitaux russes participent en effet à ces flux financiers vers des bases offshore à secret bancaire, ce qui leur permet de réaliser des opérations sur le territoire national, puis de rapatrier leurs gains à l’abri du fisc (J. Vercueil, 2010).
Sa politique du rouble fort amène la Russie à choisir, en 2006, la libéralisation totale du compte de capital (libéralisation totale des flux de capitaux), ce qui sera lourd de conséquences : désormais, la Russie se trouve exposée au carry trade (jeu spéculatif sur les taux d’intérêt des devises), et les capitaux investis à long terme cèdent le pas aux investissements à court terme, beaucoup plus spéculatifs. Moscou voudrait en effet devenir[...]
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Écrit par
- Julien VERCUEIL : maître de conférences en sciences économiques à l'Institut national des langues et civilisations orientales, Paris
Classification
Médias