- 1. Débuts d'un État
- 2. La Moscovie : du morcellement féodal à l'État centralisé
- 3. Le siècle de l'expansion sibérienne
- 4. La vieille Russie du XVIIe siècle
- 5. La Russie des despotes éclairés, grand État européen
- 6. Précapitalisme et réformes
- 7. L'industrialisation, la conquête des marchés asiatiques
- 8. Crises et première révolution
- 9. Les contradictions de la monarchie constitutionnelle
- 10. La Première Guerre mondiale
- 11. De la R.S.F.S.R. à la fédération de Russie
- 12. Bibliographie
RUSSIE (Le territoire et les hommes) Histoire
La Moscovie : du morcellement féodal à l'État centralisé
La domination mongole
Les deux siècles de domination mongole ont eu des conséquences profondes sur le cours de l'histoire russe : la théorie « eurasienne » qui rattache partiellement la Russie à l'Asie et met l'accent sur les traits asiatique de la civilisation russe, apparus ou renforcés après la conquête, est rejetée ou mise en doute par la plupart des historiens. L'influence tatare sur le vocabulaire, les institutions, les coutumes a été réelle, bien qu'elle ne portât que sur des détails. Mais la conquête a arrêté net le développement de la Russie par la destruction des villes, la décimation de la population, le poids du tribut, la réquisition d'artisans, le recrutement de mercenaires au profit de vainqueurs pour qui les terres russes n'étaient que domaine d'exploitation marginal. Le relèvement a d'ailleurs été rendu possible par une activité commerciale que facilitait la remarquable organisation de l'Empire mongol. Dès le xive siècle, les Russes jouèrent, dans l'aire contrôlée par la Horde d'Or, un rôle économique important. La domination mongole n'en a pas moins imposé à la Russie un retard d'un ou deux siècles.
Les principautés russes deviennent au xiiie siècle la marche frontière occidentale de l'immense Empire mongol. Les princes, devenus tributaires de la Horde d'Or, vont chercher à Saraï (Saraj), sur la basse Volga, le jarlyk, charte qui leur garantit, contre tribut et cadeaux, leurs possessions héréditaires. Seule la région de Novgorod, qui avait échappé à la conquête, reste indépendante des Mongols. Mais les régions du Sud, plus dévastées par l'invasion, perdent leurs princes ; dès 1249, Kiev est sous l'autorité d'un gouverneur mongol. Le centre politique des Slaves orientaux se déplace vers le nord, en Souzdalie ; dans cette région de la haute Volga, qualifiée de Mésopotamie russe (triangle formé par la Volga, l'Oka et la Moskova), se forme un nouvel État dont le centre, après Souzdal et Vladimir, s'est fixé à Moscou (ville moins ancienne, que les textes mentionnent pour la première fois en 1147) au début du xive siècle. Le rassemblement des terres russes sous l'autorité du grand-prince de Moscou et la lutte contre les Tatars Mongols pour l'indépendance, à partir de la victoire sans lendemain de Dmitri Donskoï (Dmitrij Donskoj) à Koulikovo (Kulikovo, le Champ-des-Bécasses, 1380), mettent fin au « morcellement féodal » et à la sombre période du joug étranger. Le grand-prince de Moscou, Ivan III (1462-1505), impose son autorité à la ville libre de Novgorod (1478), à la principauté de Tver (Tver', 1485), de Viatka (Vjatka, 1489), à la majeure partie de celle de Riazan (Rjazan', 1503), s'intitulant « prince de toute la Russie » (le titre de tsar de Russie, en usage à l'étranger dès le xve siècle, sera pris officiellement par Ivan IV en 1547). Cependant, dès 1389, le khan de la Horde d'Or reconnaît la suzeraineté du grand-prince de Moscou sur l'ensemble des principautés russes ; après un long conflit marqué par des raids dévastateurs des Tatars sur Moscou (1408, 1439), Ivan III refuse le tribut en 1476. La défaite écrasante des Tatars en 1480 affirme l'indépendance du nouvel État moscovite où l'application du Code (Sudebnik) administratif et judiciaire de 1497 témoigne des progrès de la centralisation.
Renouveau démographique et économique
Aux temps même de la domination mongole, dès la fin du xive siècle, les terres russes connurent un renouveau démographique et économique, marqué par des migrations paysannes et des défrichements, par la multiplication des « villes » et l'animation du commerce. La technique agricole, en dépit de l'apparition du système d'assolement[...]
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Écrit par
- Michel LESAGE : professeur à l'université de Paris-I, directeur de l'Institut de recherches comparatives sur les institutions et le droit du C.N.R.S.
- Roger PORTAL : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Paris
Classification
Médias