- 1. Débuts d'un État
- 2. La Moscovie : du morcellement féodal à l'État centralisé
- 3. Le siècle de l'expansion sibérienne
- 4. La vieille Russie du XVIIe siècle
- 5. La Russie des despotes éclairés, grand État européen
- 6. Précapitalisme et réformes
- 7. L'industrialisation, la conquête des marchés asiatiques
- 8. Crises et première révolution
- 9. Les contradictions de la monarchie constitutionnelle
- 10. La Première Guerre mondiale
- 11. De la R.S.F.S.R. à la fédération de Russie
- 12. Bibliographie
RUSSIE (Le territoire et les hommes) Histoire
La vieille Russie du XVIIe siècle
Le servage et l'évolution de la société
Après le temps des Troubles, les assemblées représentatives (Zemski Sobor, Douma des boyards) ont pu quelques temps jouer un rôle modérateur auprès du tsar. Mais les progrès de l'autorité centrale, facilités par l'action d'administrateurs fidèles et bien armés, recrutés parmi la nouvelle noblesse et bénéficiant de l'appui de l'Église, ont détourné la Russie du système de la « monarchie tempérée ». En 1649, un nouveau code (Uloženie) précise les pouvoirs du souverain, les devoirs des « hommes de service » envers l'État, les rapports entre elles des catégories sociales, soumises étroitement à la bureaucratie des prikazes. Aux liens féodaux entre princes et boyards s'est substituée l'obligation de servir au nom de l'intérêt d'État. Parallèlement, s'efface la distinction entre vočina et pomestje : la servitude paysanne est pour les propriétaires la contrepartie avantageuse de l'obéissance au tsar. Le délai de recherche des paysans fugitifs a été porté peu à peu à quinze ans. Le code de 1649 fixe définitivement le paysan à la terre, faisant du servage une institution : l'état servile était déclaré héréditaire, les biens des serfs devenaient propriétés des nobles, qui recevaient un droit de recherche illimité sur les fugitifs.
La pression démographique et le poids du servage accentuent alors cette lente migration de la paysannerie russe colonisant les terres de l'Est, sur la Volga moyenne, dans l'Oural (Ural'), en Sibérie occidentale. Malgré la sévérité de la réglementation qui permet la recherche du fugitif, celui-ci est en général perdu pour son propriétaire. S'installant dans des régions désertes où le fisc finit par les dénicher, ou dans les zones plus accessibles, en contact avec l'administration qui ferme les yeux sur leur origine, les colons grossissent la catégorie des paysans libres qui cultivent une partie de leurs terres au profit de l'État. L'aristocratie foncière s'est peu intéressée à ces pays de l'Est, à une exception près : la famille Stroganov, qui exploite des salines dans la région de la Kama, qui a financé le premier raid du Cosaque Ermak contre les Tatars d'outre-Oural au début de la conquête de la Sibérie (1581), et qui possède de vastes domaines le long du fleuve ouralien de la Tchoussovaïa (Čusovaja), où se développa au xviiie siècle une puissante industrie métallurgique.
La conquête sibérienne a renforcé le caractère continental de l'État russe presque privé d'accès à une mer libre. Cependant les échanges avec les pays de l'Ouest se développent rapidement, par le port d'Arkhangelsk et les villes frontières de Pskov et Novgorod. La division du travail, l'accroissement de la production marchande entraînent un essor de l'artisanat, qui dépasse le cadre familial, le développement des quartiers urbains (posad), l'apparition de nombreux rjady (« rangées » de boutiques et d'ateliers) en pleine campagne, embryons de futures villes, et une certaine spécialisation régionale de l'économie. Le tsar engage des techniciens à l'étranger : le Hollandais Vilnius installe à Toula (Tula) vers 1640 les premières forges à hauts fourneaux. C'est sous le règne d' Alexis Mikhaïlovitch (Aleksej Mikhajlovič, 1645-1676) que la Russie devient un État mercantile, fort en retard sur l'Occident, mais où toutefois se forme une bourgeoisie commerçante, dont la catégorie supérieure, les gosti (hôtes), contrôle le commerce de gros et les échanges avec l'extérieur et fournissent même conseil au tsar. Les caravanes, rapportant de Sibérie les fourrures ou circulant en Russie d'Europe entre les marchés, animent ce commerce, sur lequel l'État exerce une[...]
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Écrit par
- Michel LESAGE : professeur à l'université de Paris-I, directeur de l'Institut de recherches comparatives sur les institutions et le droit du C.N.R.S.
- Roger PORTAL : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Paris
Classification
Médias