- 1. Débuts d'un État
- 2. La Moscovie : du morcellement féodal à l'État centralisé
- 3. Le siècle de l'expansion sibérienne
- 4. La vieille Russie du XVIIe siècle
- 5. La Russie des despotes éclairés, grand État européen
- 6. Précapitalisme et réformes
- 7. L'industrialisation, la conquête des marchés asiatiques
- 8. Crises et première révolution
- 9. Les contradictions de la monarchie constitutionnelle
- 10. La Première Guerre mondiale
- 11. De la R.S.F.S.R. à la fédération de Russie
- 12. Bibliographie
RUSSIE (Le territoire et les hommes) Histoire
Crises et première révolution
Cependant une révolution éclatait dans la capitale le 22 (9) janvier 1905, après une manifestation populaire que dirigeait le pope Gapone et qui, porteuse d'une pétition au tsar, fut mitraillée par la troupe (« Dimanche rouge »). La crise économique de 1900-1912, frappant surtout le prolétariat des usines, la gêne d'une paysannerie (12 millions de familles en 1905) où s'accentuaient les différences sociales (20 p. 100 d'entre elles exploitaient la moitié des terres, près du tiers cultivant des lots de 3 ha), le mécontentement des étudiants protestant contre leur statut universitaire (troubles à Moscou, à Kharkov, à Kiev en 1901) ont préparé un terrain d'agitation, sur lequel à partir de 1903 (grève de Rostov qui aboutit à des meetings de masse, première grande expression de conscience ouvrière) se greffe l'action des comités révolutionnaires dont les revendications ne sont plus seulement professionnelles, mais politiques. Les attentats organisés par les socialistes révolutionnaires (assassinat des ministres de l'Intérieur D. S. Sipyagine [Sipjagin] en 1902, V. K. Plehve [Pleve] en 1904, d'un ministre de l'Instruction publique et de deux gouverneurs) accentuaient la tension sociale, devant laquelle le gouvernement oscillait entre une répression sévère et des velléités de concessions à l'opposition modérée.
Après le Dimanche rouge, les défaites de Mandchourie et le développement des troubles à travers tout le pays (à la campagne comme dans les usines) contraignent le gouvernement à amorcer le 19 août 1905 la création d'une assemblée consultative élue (Douma) et, par le Manifeste du 30 octobre 1905, à ériger celle-ci en une assemblée législative élue, répondant ainsi aux vœux du Parti K. D. (constitutionnel-démocrate), issu de la bourgeoisie libérale et fondé en septembre 1905. Mais cette concession, qui fait de la Russie une monarchie constitutionnelle, non parlementaire, puisque le ministre, nommé par le souverain, ne dépend pas de l'Assemblée, n'a pas désarmé une opposition révolutionnaire, préfiguration des événements de 1917. Les jacqueries paysannes, les mutineries militaires (dont la plus connue est l'épisode du cuirassé Potemkine), et surtout la naissance spontanée de soviets de marins et d'ouvriers à Saint-Pétersbourg et à Moscou, de cheminots (en particulier les lignes sibériennes de transports de troupes en Mandchourie), qui tentent d'organiser un pouvoir politique, jalonnent les derniers mois de l'année 1905 ; si le soviet de Saint-Pétersbourg, dominé par les mencheviks (et présidé par Trotski), ne va pas au-delà de la constitution d'un gouvernement révolutionnaire, celui de Moscou décrète l'insurrection de l'armée et doit être écrasé par la troupe en décembre. Au début de 1906, le gouvernement, aidé par une contre-révolution qui déchaîne des pogroms contre les Juifs et une chasse aux socialistes et aux intellectuels suspects, a repris en main la situation. La Douma, tribune publique où peuvent s'exprimer les revendications, est un « parlement de tutelle » (Chasles), dont le pouvoir, par le système électoral, la pratique des élections et la dissolution, rognera peu à peu les droits. La première Douma est dissoute le 21 juillet 1906 et, après la dissolution de la deuxième Douma, le statut électoral du 16 juin 1907 permet l'élection de la Douma dite des seigneurs (1907-1912). L'opposition y est à peine représentée ; les libertés proclamées en 1905 (libertés d'opinion, de réunion, de la presse, libertés syndicales), sans être juridiquement supprimées, sont soumises à un contrôle policier qui les rend souvent illusoires. Dans les usines, les dirigeants syndicaux sont éliminés et, à la veille de la guerre de 1914, le syndicalisme (en[...]
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Écrit par
- Michel LESAGE : professeur à l'université de Paris-I, directeur de l'Institut de recherches comparatives sur les institutions et le droit du C.N.R.S.
- Roger PORTAL : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Paris
Classification
Médias