RENDELL RUTH (1930-2015)

Les ouvrages de Ruth Rendell, traduits dans une quinzaine de langues, ont été primés à de nombreuses reprises : quatre dagues d'or décernées par ses collègues britanniques, le prix du roman d'aventures en France et plusieurs edgars aux États-Unis, attribués par la prestigieuse association des Mystery Writers of America, qui lui ont même accordé le titre de « grand maître » en 1997. Cette reconnaissance unanime situe la romancière au premier rang des écrivains britanniques contemporains.

Ruth Rendell est née à Londres le 17 février 1930 dans une famille d'enseignants. Dès son plus jeune âge, elle est une lectrice boulimique. Après des études secondaires, elle travaille comme reporter dans plusieurs magazines. L'expérience dure quatre ans. Elle s'exerce ensuite à écrire des nouvelles et quelques romans, qu'elle tente sans succès de faire éditer. Finalement, en 1964, elle publie Un amour importun, son premier roman policier. Il s'agit d'une « procédure policière ». L'enquête est conduite par l'inspecteur Reginald Wexford, un fin lettré qui officie dans la ville de Kingsmarkham (Sussex). Wexford est loin du policier borné et inculte, jusqu'alors archétype du polar britannique. Cet ironique quinquagénaire qui déteste l'hypocrisie et fait toujours preuve de psychologie est flanqué d'un adjoint dans la force de l'âge, Mike Burden, symbole de l'Anglais moyen, un brin puritain, raciste et conservateur. Cette opposition de caractères, qui constitue un des intérêts d’une série de plus de vingt volumes, ne les empêche cependant pas d'être liés d'amitié et d'unir leurs efforts pour démasquer les coupables. Au fil de l'œuvre, Wexford et Burden prennent de l'envergure. Ils sont décrits non seulement dans leur activité professionnelle, mais aussi dans leur vie privée, où ils ont femme et enfants. Burden, devenu veuf, vivra aussi une violente passion qui mettra à mal ses préjugés (Le Petit Été de la Saint-Luke, 1978). La grande originalité de la série réside dans son contenu réaliste. Chez Ruth Rendell, les criminels sont généralement des individus ordinaires, parfois marginaux, au cadre de vie banal. Ce qui passionne l'écrivain, c'est d'étudier leurs motivations, de disséquer les raisons qui leur font perdre pied et, petit à petit, les révèlent sous leur véritable jour. Ces impitoyables portraits se conjuguent pour donner une vision de l'Angleterre contemporaine. Les intrigues, souvent ingénieuses, abordent les thèmes les plus divers, bien que certains soient récurrents : solitude, relations familiales, amour, anormalité, usurpation d'identité, inceste, substitution d'enfant, racisme, chômage... C'est, sans aucun doute, ce goût prononcé pour l'analyse psychologique qui conduit Ruth Rendell à abandonner régulièrement son inspecteur Wexford pour écrire les récits de suspense qui ont fait sa renommée. Elle s'y sent plus libre, moins bridée par les limites d'une enquête, et peut donner libre cours, avec une rare perversité, à son exploration du « mystère des êtres ». Depuis La Danse de Salomé (1965) et Fantasmes (1966) jusqu'à L'Oiseau crocodile (1993), les réussites se sont accumulées, touchant souvent au chef-d'œuvre : ainsi de L'Analphabète (1977), où Eunice Parchman, domestique zélée et falote, embauchée par hasard dans une famille bourgeoise, massacre toute la maisonnée sans aucun état d'âme, du Jeune homme et la Mort (1974), récit de la déchéance d'un jeune écrivain qui a aidé sa maîtresse à commettre un meurtre, ou encore de Jeux de mains (1998), où une jeune femme qui doit écrire la biographie de son père défunt en découvre la vraie nature. Mentionnons également Et l’eau devint sang (2006) et La Maison du lys tigré (2012).

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