RUZANTE (1502 env.-1542)
Convention et naturel
Le fait que Ruzante, en apparence, respecte et utilise toutes les formes de comédie en usage à son époque : la règle classique des trois unités, la division en cinq actes et un ou plusieurs prologues, le mélange des langues (italien littéraire pour les nobles bergers, padouan pour le vilain, bergamasque pour le soldat, vénète pour le médecin), a pu créer un malentendu. En outre, il renoue avec la tradition padouane rustique des mariozi, sorte de farces mimées et dialoguées, truffées de détails sur les rites et la vie quotidienne du paysan et de plaisanteries obscènes. Les mariozi, comme leurs noms l'indiquent, étaient récitées à l'occasion des cérémonies de mariage à la campagne.
D'autre part, l'œuvre de Ruzante s'inscrit dans la lignée de la satire populaire contre le vilain, genre destiné au peuple des villes, heureux de se sentir à bon compte l'égal des seigneurs, et dont les rozzi siennois, avec leurs farces féroces, ne constituent qu'un cas particulier. Toute la panoplie offerte par la tradition est donc bien présente chez Ruzante, mais détournée de sa fonction première. L'adoption des modèles et des cadres préfabriqués ne sert qu'à mettre en lumière leur inadéquation à la réalité décrite. Cette snaturalità, ce naturel, revendiqué avec constance contre les affectations toscanes des sletteran, les lettrés, déborde des moules où l'auteur les a enfermés, et le thème unique de sa dramaturgie est, selon l'expression de M. Baratto, le « conflit entre la vitalité native du caractère paysan et la réalité historique ».
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Écrit par
- Angélique LEVI : ingénieur de recherche en littérature générale et comparée à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle, traductrice
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