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RUZANTE (1502 env.-1542)

Le théâtre de la cruauté

Ce qui fascine Ruzante, c'est l'indifférence du paysan, qu'il soit du Nord ou du Midi, devant l'histoire qui fait irruption dans son monde immobile et intemporel, dont il peut bien être le protagoniste épisodique ou la victime, mais auquel il est essentiellement étranger. Ainsi, fourberie, ignorance, bestialité (assaut amoureux, obsession de la nourriture, travail abrutissant, pleutrerie doublée de bravade), toutes ces tares qu'ont ces paysans se présentent sous un autre éclairage : elles sont le signe de son irrépressible vitalité, de la défense qu'il oppose au monde qui l'exclut, et, derrière la parodie, le jeu gratuit, le divertissement, se profile le « théâtre de la cruauté » – auquel Gianfranco De Bosio (du théâtre de Turin), dans sa mise en scène au théâtre des Nations à Paris en 1961, a explicitement fait allusion – dont les accents jubilants, vengeurs, tragiques éclatent dans Bilora avec son homicide final et plus encore dans le rire forcé et glaçant du déserteur du Parlamento, lequel, pour accepter son humiliation et sa propre lâcheté, se réfugie dans l'hallucination : « Si j'avais su qu'ils n'étaient pas cent contre un, comme on aurait ri, quelle comédie ç'eût été ! » Comment dire plus nettement que la farce est tragique ?

— Angélique LEVI

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Écrit par

  • : ingénieur de recherche en littérature générale et comparée à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle, traductrice

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