SACERDOCE
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Les grandes religions actuelles
L'hindouisme
Dans la tradition indo-iranienne, la classe sacerdotale constitue un groupe social distinct ; chez les Perses et chez les Aryens védiques, on trouve en effet la même division entre prêtres, guerriers et agriculteurs. À la période du Rigveda, plusieurs prêtres officiaient dans le sacrifice : celui qui assurait l'« invocation » des dieux s'appelait hotri ; à ses côtés se tenaient l'udgātri, le prêtre qui « chante à haute voix », et l'adhvaryu, le prêtre chargé de l'action sacrée ou du sacrifice lui-même. Le Rigveda avait été composé à l'intention du hotri, tandis que le Sāmaveda servait à l'udgātri et le Yajurveda à l'adhvaryu. Après la période védique, seul le prêtre avait le droit d'enseigner les textes sacrés ; il jouissait de l'immunité vis-à-vis des châtiments corporels, pouvait recevoir des présents et bénéficier d'autres privilèges particuliers. Les trois castes supérieures avaient chacune le droit et le devoir d'étudier les textes sacrés pendant un certain nombre d'années.
Les brāhmanes sont censés constituer le grand corps central autour duquel gravitent comme des satellites les autres classes ou ordres d'êtres. Non seulement ils sont revêtus de dignité divine, mais ils sont liés entre eux par les règles les plus rigoureuses, tandis que les trois autres classes des soldats, des agriculteurs et des serviteurs se trouvent affaiblies dans leur union par des réglementations également astreignantes. Les brahmanes agissaient comme conseillers des rois, détenaient une grande part de l'autorité judiciaire et de l'interprétation des lois et étaient en principe d'un rang plus élevé. En somme, la distinction des castes et la supériorité d'une classe sur l'autre sont considérées comme relevant d'une loi de nature ou d'une sorte de décret divin tout autant que la création, chez les animaux, de classes séparées par d'insurmontables différences de constitution physique.
Il incombe au brahmane, entre autres obligations, d'être le gardien de l'héritage spirituel de la race ; il a pour premier devoir de se spécialiser dans les choses de l'esprit, dans les rites, dans la sagesse et de communiquer aux autres ce qu'il y a ainsi acquis. Il est l'ami, le philosophe et le guide de l'humanité. Il n'a pas à s'encombrer de biens matériels, la société veillant à ce qu'il ne soit pas dans le besoin. Chef (purohita) de la communauté, il exerce cette fonction en vertu non de ses qualités physiques, mais d'une force spirituelle. Ses conseils sont recherchés de tous, depuis le roi jusqu'aux gens du peuple. Sérénité, maîtrise de soi, austérité, pureté, patience, droiture, connaissance, acuité d'esprit, foi, telles sont les vertus que lui reconnaît la Bhagavad Gītā (XVIII, 41-44).
L'« acte » propre du brahmane est en réalité le sacrifice et l'étude des Véda. Les brahmanes sont les gardiens de ces derniers et ils en enseignent la doctrine aux autres classes des « deux fois nés » mais non aux śūdra (serviteurs). Leurs devoirs sont purement religieux : obligation d'étudier et d'enseigner les Véda et les smṛitis, d'offrir le sacrifice pour eux-mêmes et pour d'autres ; ils doivent donc en être récompensés et l'une des actions les plus hautement méritoires d'un kshatriya (membre de la deuxième classe, guerrière et princière) ou d'un vaishya (agriculteur ou commerçant) consiste à faire des présents aux brahmanes.
Le mot brahman désigne aussi une personne qui est en rapport avec le sacré et le personnifie. L'homme est coextensif au Tout, du fait qu'il participe au Brahman. En ce dernier se rencontrent le macrocosme et le microcosme, mais leur union n'est pleinement accomplie que dans le brahmane qui est dépositaire du Brahman, le pouvoir sacré qui garde le monde dans l'être : « Un brahmane [prêtre], qu'il soit instruit ou non, est une divinité puissante, tout comme le feu est une divinité puissante, qu'il ait été consacré ou non » (Manu, IX, 317). Il y a ainsi des dieux parmi les hommes ; on peut même les dire dieux de dieux ; ils ont le pouvoir de faire et de défaire les dieux à leur gré, car ils sont les seigneurs de la création et les « formes » du dharma. Yudhishthira déclare : « Je dois et montre du respect aux brahmanes, car, bien qu'il soit vrai qu'il puisse exister de mauvais brahmanes de même qu'il y a de mauvais prêtres dans les autres religions, on doit les vénérer pour leur capacité sacramentelle, en tant qu'ils sont les dépositaires humains du Brahman, principe et source éternels du dharma. Mais le brahmane qui a une conduite mauvaise n'est pas meilleur qu'un sūdra, et un śūdra qui mène une vie sainte doit être regardé comme étant un brahmane. » En raison du lien causal qui unit le Brahman, éternel principe et fondement de tout, et le caste des brahmanes, ceux-ci peuvent être tenus pour des dieux sur terre.
Le bouddhisme
Il semble que, dans les temps les plus anciens, les bouddhistes aient fait appel aux prêtres du Brahman pour présider aux formes publiques et privées du culte des dieux, mais ils ne participaient pas aux sacrifices d'animaux, contre lesquels le Bouddha avait lutté et qui étaient apparemment habituels à cette époque. Dans le Grand Véhicule, peu à peu des moines devinrent prêtres, cessant ainsi d'être liés par l'obligation de la chasteté ; leur fonction principale fut de diriger les cérémonies sacrées et les rites magiques. Le caractère du Vajrāyaṇa, qui était étroitement lié à l'occulte, est à mettre en relation avec le fait que les grands magiciens (siddhi) qui possédaient des pouvoirs miraculeux jouissaient d'un prestige élevé.
Les sikhs
Dans les grands temples sikhs, tel celui d'Amritsar, les pūjāri reçoivent par héritage le droit de présider aux cérémonies du culte. Les granthi, instruits à Amritsar ou dans d'autres centres de formation, sont des hommes particulièrement versés dans la connaissance du granth. Pour le reste, toutefois, ils ne se distinguent en rien de leurs coreligionnaires. Les guru n'attribuaient aucun mérite spécial à l'ascèse ; ils étaient eux-mêmes mariés et exigeaient de leurs disciples qu'ils eussent également une vie de famille. Néanmoins, on trouve chez les sādhu (saints immaculés) et chez les akali (adorateurs de l'Être éternel) des ordres ascétiques dont les membres vivent à la manière des samnyasi et des fakirs.
L'islam
L'islam ne possède pas de sacerdoce au sens précis du mot, car il « n'admet pas de prêtre entre l'homme et Dieu ». La conduite du service religieux y est confiée à un membre de la communauté particulièrement estimé et instruit de la foi musulmane. Il arrive souvent aussi que le service soit dirigé par l' imām (modèle ou chef) ; ce titre d'ailleurs n'a pas le même sens pour les sunnites et pour les shī‘ites ; chez les premiers, ce sont les chefs qui sont engagés et payés par la communauté pour assurer le service. Les spécialistes du Coran et de la loi islamique, les oulémas, détiennent un important pouvoir, spécialement par leurs verdicts. L'islam ne possédant pas une autorité centrale qui déciderait des problèmes de la foi, c'est le consensus de la communauté qui, avec le concours de ceux qui étudient la loi, garantit l'unité à travers le développement doctrinal.
Le judaïsme
Le sacerdoce, dans le judaïsme ancien, était un apanage de la tribu de Lévi et de la descendance d'Aaron. À la tête des différentes classes de prêtres se trouvait le grand prêtre, Aaron et son fils étant regardés comme les premiers détenteurs de cette fonction suprême. À l'origine, les prêtres étaient les gardiens d'un sanctuaire et de son trésor. Au commencement de l'histoire d'Israël, ils furent habilités à offrir le sacrifice. Leur principale fonction de médiation était de rendre des oracles et d'enseigner au peuple la tradition d'Israël. Lorsque le rôle des prophètes se fit prééminent et que les lévites, après l'exil, puis les scribes se chargèrent d'enseigner, le soin d'offrir les sacrifices devint la fonction exclusive et essentielle du sacerdoce israélite. Celui-ci disparut avec la destruction du second Temple. Par la suite, la présidence des communautés particulières fut confiée aux rabbins dont la tâche est non seulement d'officier au cours de diverses cérémonies sacrées (mariages, funérailles, prédications), mais aussi de trancher dans les questions de loi religieuse.
Le christianisme
Pour la foi chrétienne, c'est seulement parce qu'il devient un homme véritable que le Fils de Dieu est capable d'apporter le salut à l'homme. Seul un homme peut accomplir la destinée de l'homme et présenter à Dieu tous les hommes. Aussi Jésus-Christ s'offre-t-il lui-même à Dieu dans l'obéissance et par la mort, paraissant ainsi devant celui-ci comme précurseur et représentant de l'humanité. Telle est la doctrine exposée par l'Épître aux Hébreux dans le langage du sacrifice et du sacerdoce. Le véritable sacrifice est obéissance et le véritable sacerdoce consiste en ce que tous les hommes sont représentés par l'homme qui seul est parfait. Jésus-Christ est ainsi le grand prêtre de la Nouvelle Alliance ; il est réellement « prêtre pour toujours selon l'ordre de Melchisédech » (Hébr., v, 7), car il n'a pas de successeur dans le sacerdoce. D'autres peuvent avoir part à cet unique sacerdoce du Christ, qui se trouve ainsi se prolonger dans le temps. La fonction et le ministère sacerdotaux ont été confiés, au sein de l'Église, à un groupe élu, un rite d'investiture, le sacrement de l'ordre, conférant à ses membres un pouvoir spécial et une grâce qui les habilitent pour le ministère, à la fois sacrificiel et pastoral. La fonction du prêtre est non seulement d'enseigner, de prêcher, de conduire le troupeau du Christ, mais par-dessus tout de donner, par l'eucharistie qui est le sacrifice de la Croix, une expression sacramentelle à l'unique oblation du Christ au calvaire et à l'oblation continuée de l'Église.
Le prêtre comme médiateur représente le peuple devant les dieux ou devant Dieu, et il unit ainsi le divin et l'humain. Aux niveaux de civilisation les plus élevés, les prêtres agissent en tant que médiateurs socialement reconnus entre l'homme et le sacré. Ils sont les spécialistes de celui-ci, en même temps que de l'accomplissement des rites ; et, dans les sociétés sans écriture, ils conservent par transmission orale les mythes et l'ensemble des idées religieuses qui constituent la tradition intellectuelle d'un peuple. Formés dans la doctrine sacrée et chargés de l'enseigner, ils en viennent souvent à lui donner sa formulation authentique, leur principale fonction étant cependant d'offrir le sacrifice à la divinité, de lui consacrer efficacement et symboliquement ces offrandes, de les lui présenter d'une manière qui soit digne d'elle.
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Écrit par
- Mariasusai DHAVAMONY : professeur d'histoire et de phénoménologie de la religion, université grégorienne, Rome
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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C'est donc le primat de la connaissance qui, à côté de son origine mythique, fonde effectivement la prééminence du brahmane.La fonction sacerdotale du brahmane vient en second lieu ; elle dérive de sa science. Le prêtre védique appelé brāhmane n'officie pas, mais surveille les cérémonies... -
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...également perceptibles à propos d'éléments de la foi chrétienne qui commandent plus précisément le problème du célibat des prêtres, en particulier, à propos de la conception que l'on se fait du sacerdoce et de son rôle dans l'Église. Le christianisme n'est pas la seule religion à connaître l'institution du sacerdoce,... - Afficher les 25 références
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