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ṢADRĀ SHĪRĀZĪ (1572-1640)

Par l'enseignement qu'il revint donner dans sa ville natale, Ṣadr al-dīn Muḥammad ibn Ibrāhīm, connu plus couramment sous le nom de Mollā Ṣadrā-i Shīrāzī (ou Mollā Ṣadrā Shīrāzī), est à l'origine d'une école philosophique, l'école de Shīrāz (Iran), qu'ont révélée les travaux d' Henry Corbin. L'œuvre de Mollā Ṣadrā est immense. Éditée intégralement, en Iran, depuis le siècle dernier, on commence à en percevoir les lignes de force et à y découvrir la marque d'un très grand métaphysicien autant que d'un mystique pur. Toute cette œuvre se situe, d'ailleurs, dans l'axe de la tradition des ishrāqīyyūn, les « néo-platoniciens de la Perse islamique » (Corbin), tradition issue de Sohrawardī, qui développe une conception de la connaissance comme présence illuminative, à l'Orient de l'âme, c'est-à-dire au niveau suprasensible ; cette « Sagesse orientale » a sans cesse cherché à unir la méthode des ṣūfīs, des mystiques, c'est-à-dire la voie de la purification intérieure, et la méthode des philosophes, c'est-à-dire la voie de la connaissance pure. De cette tradition Mollā Ṣadrā garde l'héritage, mais il va le restituer dans le cadre strict de la spiritualité shī‘ite la plus exigeante.

La formation et l'œuvre

Né à Shīrāz en 1572 (980 de l'hégire), Ṣadr al-dīn Muḥammad ibn Ibrāhīm fit ses études à Ispahan, la capitale politique et intellectuelle de la monarchie ṣafavide. Il eut pour maîtres shaykh Bahā' al-dīn al-‘Āmili, qui, fort de la connaissance profonde qu'il en avait, lui enseigna les sciences du corpus islamique traditionnel, et Mīr Dāmād, que ses élèves appelaient le magister tertius (la tradition ayant surnommé Aristotemagister primus et al-Fārābī magister secundus) et dont l'enseignement liait étroitement vie spirituelle et expérience mystique à la philosophie proprement dite ; le troisième maître de Ṣadrā fut Mīr Abūl-Qāsim Fendereskī (mort à Ispahan en 1640), qui fut étroitement lié à l'entreprise de traduction des traités sanskrits en persan, à une époque d'échanges intellectuels considérables entre l'Iran et l'Inde.

Ṣadrā fait ensuite une retraite d'une dizaine d'années dans une petite vallée montagneuse aux environs de Qomm, oasis de verdure et d'arbres en bordure du désert. Cette retraite représente le moment capital, où la philosophie va se transmuer en expérience spirituelle, qui est en réalité le véritable point de départ.

« Lorsque j'eus persisté, écrit le philosophe, dans cette étape de retraite, d'incognito et de séparation du monde, pendant un temps prolongé, voici qu'à la longue mon effort intérieur porta mon âme à l'incandescence ; par mes exercices spirituels répétés, mon cœur fut embrasé de hautes flammes [...]. Je connus des secrets divins que je n'avais encore jamais compris ; des énigmes chiffrées se dévoilèrent à moi, comme n'avait jamais pu jusqu'alors me les dévoiler aucune argumentation rationnelle. Ou mieux dit : tous les secrets métaphysiques que j'avais connus jusqu'alors par démonstration rationnelle, voici que maintenant j'en avais la perception intuitive, la vision directe » (prologue des Quatre Voyages de l'esprit, trad. Corbin).

À l'issue de cette retraite, sur la demande d'Allāhwīrdī khān, le gouverneur du Fārs, Mollā Ṣadrā revint à Shīrāz, son pays natal, pour y enseigner dans la madrasa, le collège religieux qui venait d'être édifié à son intention. Il y demeura jusqu'à sa mort : c'est cet enseignement qui est à l'origine de l'école philosophique de Shīrāz, connue aujourd'hui par les travaux d'Henry Corbin, dont on suivra ici les commentaires.

Relevant à la[...]

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