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SAFAVIDES ou SÉFÉVIDES ou SAFAWIDES

L'État shī‘ite et ses voisins

Amasya - crédits : Huseyin Atilla/ Moment/ Getty Images

Amasya

Le moment venu, après avoir réglé son compte au roi de Shīrwān, Ismā‘īl livra aux Moutons-Blancs la bataille de Sharūr (1501) qui lui ouvrit Tabrīz où il prit le titre de shāh et fit proclamer le shī‘isme duodécimain ; durant dix ans, il s'employa à conquérir l'Iran et l'Irak et à y imposer la nouvelle confession. La réaction des pouvoirs sunnites ottomans et özbeks fixa bientôt la Perse shī‘ite dans ses frontières. L'État fondé par Ismā‘īl Ier (1501-1524) était une théocratie s'appuyant sur les Qizilbash(littéralement « têtes rouges », terme à sens ethnique et religieux, allusion au tādj, le bonnet rouge à douze plis, symbole des douze imāns, dont Ḥaydar avait institué le port). Appartenant aux tribus turkmènes qui avaient permis la prise du pouvoir, ils étaient regroupés en une organisation supertribale et liés au shāh par une double allégeance politique et religieuse. Malgré son caractère subversif, on chercherait en vain dans le mouvement safavide un programme social ou gouvernemental. Parvenu au pouvoir, Ismā‘īl Ier s'y maintint en distribuant des fiefs militaires et en éliminant les Qizilbash trop influents ; les notables de l'Iran (seyyeds et aristocrates ayant parfois servi les Moutons-Blancs) s'infiltrèrent dans l'administration, provoquant le ressentiment des Qizilbash. Âgé de dix ans à son accession au trône, Ṭahmāsp Ier (1524-1576) fut sous la tutelle des émirs qizilbash jusqu'en 1533. Tabrīz ayant été occupée à maintes reprises par les Ottomans, il négocia la paix d'Amasya (1555) et transféra la capitale à Qazwīn. Venus en grande partie de pays arabes, des juristes imāmites (les mudjtahid) furent chargés de codifier la religion nationale et d'intensifier sa propagation. Des éléments caucasiens capturés au cours de campagnes allaient bientôt compliquer les luttes de factions. Ismā‘īl II (1576-1577), dont la mère était qizilbash, voulut restaurer le sunnisme et fit tuer ou aveugler ses rivaux. Les Qizilbash l'éliminèrent et mirent en place Muḥammad Khudābanda (1578-1587) qui, presque aveugle, fut manœuvré par sa femme iranienne bientôt tuée par les Qizilbash. Également placé au pouvoir par une faction turkmène, ‘Abbās Ier mit fin à cette phase de domination qizilbash. Malgré les succès militaires et les réalisations prestigieuses de son règne (1587-1629), les signes de déclin ne tardent pas à se manifester. Cette décadence est en partie imputable à la pratique qu'il inaugura de confiner les princes dans le harem. Shāh Ṣafī (1629-1642), ivrogne et cruel, fit périr, outre des gens de sa famille, des chefs civils et militaires de valeur ; les Moghols prirent Qandahār, les Turcs Baghdād. Le traité de Zuhāb (1639) ayant suspendu les hostilités avec les Turcs, il trouva les fonds nécessaires au maintien de l'armée en accroissant les domaines de la couronne au détriment des gouvernorats. Accéléré par ‘Abbās II (1642-1666), ce processus entraîna le mécontentement des populations accablées d'impôts et affaiblit militairement les provinces ; bien qu'ayant repris Qandahār aux Moghols (1648), il entreprit trop tard de réorganiser l'armée. Affable et peu guerrier, Sulaymān (1666-1694) eut la chance que les Turcs aient été trop occupés à l'ouest pour l'attaquer. Son règne inaugura une période de persécutions contre les chrétiens et les juifs, qui s'étendirent, sous Shāh Sulṭān Ḥusayn (1694-1722), aux zoroastriens, aux sunnites et aux ṣūfīs extrémistes.

Au début du xviiie siècle, la Perse faisait encore figure de grande puissance et semblait davantage menacée par les imāms de Mascate que par ses ennemis traditionnels. Le danger vint des Afghans sunnites irrités par l'intolérance du régime. Après avoir trahi la confiance[...]

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Écrit par

  • : chargé de recherche au C.N.R.S., chargé de conférences à l'École pratique des hautes études (IVe section)

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Amasya - crédits : Huseyin Atilla/ Moment/ Getty Images

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