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SAGAS

Il entre dans le « miracle islandais » d'avoir su créer, à partir du xiie siècle, une littérature originale et inimitable encore trop mal connue, en France notamment. Au premier rang de cette production se placent les sagas, chefs-d'œuvre narratifs en avance de plus d'un demi-millénaire sur leur temps et qui continuent de passionner la critique par les problèmes que posent leur genèse, leur contenu et leur art. Cet art éminemment concerté, où l'essentiel n'est jamais ouvertement dit, où tout doit se lire sur deux ou plusieurs plans qui interfèrent, culmine certainement dans l'intensité tragique, dans la grandeur dépouillée de tout artifice avec lesquelles sont présentées les scènes majeures de ces chefs-d'œuvre narratifs.

Problème des origines

Le mot saga (substantif féminin, pluriel sögur) vient du verbe segja : dire, raconter. Dès l'origine, dans les langues nordiques où il a vu le jour, le terme s'est appliqué à une certaine façon de dire, à un mode donné d'expression. C'est en tant que genre littéraire particulier à l'Islande du Moyen Âge et promis à une longue fortune qu'il sera ici envisagé.

Les colons, venus de Norvège et des îles Britanniques, qui s'installent en Islande dès la fin du ixe siècle constituent une élite, et s'attachent à doter leur nouveau pays d'une organisation politique et juridique solide, manifestant une profonde piété envers leurs traditions religieuses, historiques et sociales. De la très lointaine conception de la famille germanique sacrée (aett), les Islandais ont gardé la passion des généalogies qu'ils conservent en mémoire et consignent par écrit dès que l'Église chrétienne, implantée dans l'île en 999, leur aura apporté l'écriture. Un autre élément constitutif du paganisme germano-nordique – la liaison intime entre religion et droit en la personne du dieu archétypique Týr – les incite à composer des codes juridiques d'une extrême minutie qu'ils confient au parchemin dès le xiie siècle (Haflidaskrá). Le goût qu'ils manifestent pour l'histoire comme science et une ouverture remarquable aux influences étrangères, joints à ce qu'il faut bien appeler une vocation littéraire sans équivalent ailleurs à l'époque, font que, dès le xiie siècle, le genre de la saga voit progressivement le jour.

À l'imitation des écrits en latin que diffuse l'Église, les Islandais relatent sous forme de récits brefs ou  aettir (singulier  áttr, le Moyen Âge français les eût appelés « dits ») les souvenirs de leur passé proche ou lointain ; puis, à l'exemple de l'hagiographie latine, ils écrivent l'histoire, d'abord des grands rois de Norvège, puis des premiers évêques islandais. Peu à peu, le genre se laïcise et la formule est appliquée aux contemporains ou aux ancêtres illustres avant de puiser, par la suite, dans une matière plus ancienne ou nimbée de légende.

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Écrit par

  • : professeur émérite (langues, littératures et civilisation scandinaves) à l'université de Paris-IV-Sorbonne

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