SAHARA
Géographie humaine et économique
Un territoire structuré par un millénaire d'échanges transsahariens
L'organisation territoriale du Sahara s'ancre dans une histoire qui, il y a plus d'un millénaire, en a façonné les caractéristiques essentielles avec le commerce transsaharien. Celui-ci a investi cet espace à la fin du viie siècle et l'a structuré jusqu'à son déclin au xviiie siècle. Auparavant, le Sahara fut, durant les millénaires qui ont suivi son aridification, un espace peu habité. Les oasis y étaient très peu nombreuses et limitées à la frange septentrionale.
À partir du viie siècle, avec la conquête arabe du Maghreb, des échanges commerciaux s'organisent entre les deux rives du Sahara : la Méditerranée au nord et le « Soudan » au sud (« Soudan » signifie « le pays des noirs » en arabe et correspond globalement à l'Afrique de l'Ouest). Pendant dix siècles, ce commerce anime le Sahara. Il porte essentiellement sur l'or et les esclaves, transportés par voie terrestre depuis le Sud vers les métropoles nord-africaines. Ces échanges d'une grande intensité, s'opérant à travers un espace aride et désert large de 2 000 kilomètres, imposent l'organisation d'un maillage territorial. Celui-ci consiste surtout en l'érection de « cités portes du désert » au départ d'itinéraires méridiens nombreux qui ont changé au fil du temps, et consiste également à créer des oasis relais le long de ces itinéraires. À l'exception de quelques rares « portes du désert » qui préexistent à ce commerce et lui servent ensuite de point d'appui (Biskra ou Ghadamès, par exemple), la quasi-totalité des oasis sont fondées dans le cadre de ce mouvement commercial, ce que confirment leurs dates de création, situées essentiellement du viiie au xvie siècle. Aussi, l'oasis n'est pas tant un système hydro-agricole qu'un nœud dans le système relationnel du commerce transsaharien, même si sa fonction de relais implique également une production agricole ainsi que la présence d'eau.
Les échanges sont donc à l'origine de l'oasis et de l'urbanisation du Sahara ainsi que des nombreuses spécificités de cet espace. Les plus importantes d'entre elles sont l'existence de populations relativement importantes et très diverses, et de villes nombreuses dans un environnement hostile qui a été transformé grâce au travail d'esclaves importés (creusement de foggaras [galeries d'eau souterraines] et de puits artésiens, aménagement et entretien d'oasis). Cette spécificité fait du Sahara, d'un point de vue humain, non pas une étendue territoriale, mais un réseau de routes ou de pistes, dont les croisements ou les jalons sont les oasis. Ainsi, la ville saharienne commande non pas un espace environnant, mais un carrefour de routes. De plus, la fonction de relais donne une spécificité structurelle à la ville saharienne – l'oasis –, à savoir l'association d'une ville et d'un terroir agricole. Cette fonction se confirme lorsque la concurrence des nouvelles routes maritimes finit par ruiner le commerce transsaharien : les cités-oasis voient leurs populations stagner, puis diminuer. Ainsi, lorsque l'explorateur allemand Heinrich Barth, premier Européen à y séjourner, arrive en 1850 à Agadez, il trouve un îlot de misère avec une population de seulement 3 000 habitants.
Quant à la population, d'une grande diversité du fait de la fonction de transit et d'échanges, notamment dans les grandes cités-oasis, elle peut être répartie en trois grands groupes ethnolinguistiques dominants. Tout d'abord, la présence de populations de langues négro-africaines est surtout liée à l'extension des empires africains médiévaux (empires du Mali, du Ghana...) ainsi qu'à l'asservissement[...]
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Écrit par
- Ali BENSAÂD : maître de conférences en géographie à l'université d'Aix-Marseille, enseignant-chercheur au C.N.R.S., Institut de recherche et d'études méditerranéennes sur le monde arabe
- Jeffrey Allman GRITZNER : professeur de géographie et directeur du Montana Public Policy Research Institute, université du Montana, Missoula
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