SAHELANTHROPUS TCHADENSIS ou TOUMAÏ
C’est au nord du Tchad à Toros Menalla (désert de Djourab) que l’équipe de Michel Brunet met au jour, en juillet 2001, des restes osseux (un crâne sub-complet mais écrasé, deux fragments de mâchoires inférieures et trois dents isolées) qu’elle attribue l’année suivante à une nouvelle espèce d’hominidés anciens, Sahelanthropustchadensis, plus connue sous le nom de Toumaï. Les mammifères qui sont associés à ces ossements suggèrent un âge de 6 à 7 millions d’années (Ma). La datation des sédiments dont est censé provenir le crâne déformé sera estimée en 2008 à 6,8-7,2 Ma en utilisant le béryllium cosmogénique (isotope rare produit par des rayons cosmiques et trouvé à l’état de trace dans l’environnement terrestre) dans la méthode au 10Be/9Be.
Pour ses inventeurs, Toumaï serait un sujet mâle avec des dents possédant des caractères dérivés d’hominidés : morphologie des canines (petites à usure apicale), émail épais aux dents jugales (prémolaires et molaires), face courte, bourrelet sus-orbitaire grand et continu, et la position antérieure du trou occipital (situé sous le centre du crâne) qui suggèrerait que Sahelanthropustchadensis aurait pu être bipède (donc un hominidé). Il présente aussi des caractères plus primitifs comme un petit cerveau (volume estimé à 350 cm3, assez proche de celui d’un chimpanzé).
La capacité de Toumaï à se déplacer sur ses deux pattes de derrière fait l’objet de débats. En effet, la seule position du trou occipital ne suffit pas à prouver la bipédie. Chez les hominidés anciens – comme par exemple les Australopithèques –, ce trou occipital est encore plus antérieur que chez l’homme et ils ne sont cependant pas de meilleurs bipèdes. Certains anatomistes ont montré que la position du trou occipital varie également avec la croissance en taille du cerveau au cours du développement des individus. Un fragment de fémur, récolté en même temps que les autres restes osseux de Toumaï, pourrait permettre de lever définitivement le voile sur la bipédie potentielle de cette espèce. C’est pourquoi l’étude de ce fragment est très attendue par la communauté scientifique.
Toutefois, plusieurs paléontologues remettent en question, sur d’autres critères que la position du trou occipital (caractères dentaires et crâniens), l’appartenance de Sahelanthropustchadensis au groupe des Hominidés, suggérant plutôt de le placer sur la lignée des gorilles.
La découverte de Toumaï a eu un grand impact car, pour ses inventeurs, il s’agissait du premier hominidé trouvé bien à l’ouest du Grand Rift est-africain (à près de 2 500 km) où sont classiquement mis au jour les ancêtres de l’homme. L’EastSide Story, scénario évolutif selon lequel les Hominidés seraient nés à l’est de cette grande structure tectonique qu’est le Grand Rift, devenait donc obsolète. Toutefois, il faut préciser que la divergence grands singes-hominidés supposée dans la théorie de l’East Side Story est datée de 10 millions d’années. Si toutefois l’aspect géographique de cette hypothèse peut être discuté, les aspects chronologiques et environnementaux sont quant à eux confirmés.
Que Sahelanthropus soit un ancêtre des hommes ou bien des gorilles, il n’en reste pas moins qu’à la vue des nouvelles données sur les ancêtres des grands singes modernes et des hommes, l’ancêtre commun doit être recherché dans des niveaux beaucoup plus anciens, situés aux alentours de 10 Ma, voire 12 Ma. L‘histoire de la lignée humaine est donc encore loin d’être définitivement écrite.
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Écrit par
- Brigitte SENUT : professeure de première classe au Muséum national d'histoire naturelle
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