SAHUL
L'Australie postpléistocène
À la fin du Würm, le lent réchauffement climatique entraîne une transgression marine qui isole l'Australie de la Nouvelle-Guinée et de la Tasmanie. Ici, quelques voies de passage réapparaîtront, à travers le détroit de Bass, pendant les phases froides du Tardiglaciaire, mais cette route reste coupée depuis 10 000 ans. Les climats de l'Australie se modifient peu à peu, deviennent plus chauds et humides dans le nord, plus secs dans ce qui deviendra bientôt les zones steppiques et les déserts actuels. Il y a quelque 8 000 ans, au cours d'un optimum climatique, un nouvel outillage se superpose à celui de la période ancienne, et qui correspond aux cultures moyennes précédemment définies dans le sud de l'Australie : Pirrien, Mudukien et Bondéien. À mesure que les fouilles devenaient plus nombreuses, la réalité se montra plus complexe. Après avoir tenté de définir de nouvelles cultures, les préhistoriens se sont résolus, comme ils l'avaient fait pour la période ancienne, à ne parler que d'une tradition culturelle qu'ils nomment « Australian small tool tradition ». En effet, il n'y a pas un réel synchronisme des cultures régionales, pas plus qu'une exacte identité des différentes cultures. On peut penser que ces innovations variées sont une réponse à des conditions écologiques également variées. Enfin, l'apparition d'un outil, jadis considéré comme « fossile directeur » en des temps et des lieux différents, peut s'expliquer par le fait que, contrairement à la période ancienne, on effectuait des échanges à travers les différents territoires de l'Australie, comme en témoigne la présence, dans le centre et le sud de ce continent, d'ornements taillés dans des coquillages pêchés en mer d'Arafoura et dans le golfe de Carpentarie. On s'interroge sur l'origine de ce nouvel outillage lithique qui est inconnu dans les îles indonésiennes proches de l'Australie et en Nouvelle-Guinée. On pourrait supposer qu'il s'agit d'une innovation des aborigènes eux-mêmes. L'adoption de la technique de débitage dite Levallois, ou pseudo-Levallois, va à l'encontre d'une telle hypothèse. On sait que cette technique permet d'obtenir des éclats ou des pointes de forme prédéterminée, en préparant le nucléus et en prévoyant la suite d'opérations techniques qui comportent plusieurs phases. Il est difficile de penser que les aborigènes aient mis eux-mêmes au point cet enchaînement opératoire exactement identique à ce qui fut ailleurs inventé.
Un autre problème est celui du chien australien : le dingo, inconnu en Asie du Sud-Est et en Nouvelle-Guinée, est présent en Australie depuis au moins 6 000 ans. On le connaît également aux Indes, et le chien polynésien a la même origine. Ces problèmes ne pourront trouver leur solution que lorsque nous aurons une meilleure connaissance de la préhistoire de l'Asie du Sud-Est et de la Nouvelle-Guinée. On sait néanmoins que ces innovations techniques (et l'arrivée du dingo) ne requirent pas nécessairement un grand déplacement de population, une « migration » nouvelle. Les réseaux d'échanges intertribaux suffisaient pour une large diffusion des idées et des techniques.
L'outillage lithique, relativement diversifié, était encore en usage à l'arrivée des Européens, et cette préhistoire vivante nous permet d'en connaître l'usage. L'outil était généralement emmanché par l'intermédiaire d'une masse de résine ; ainsi a-t-on trouvé des massues, des javelines, des couteaux-scies armés de microlithes géométriques, etc. La résine servait également à l'emmanchement des couteaux. D'autres objets, dont nous n'aurions autrement pas eu connaissance, étaient aussi utilisés : boomerangs, boucliers, propulseurs en bois et seulement armés d'un éclat de pierre, bâtons[...]
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Écrit par
- José GARANGER : professeur émérite à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne
Classification
Média