SAINT-MALO
Située sur la côte nord de la Bretagne, dans l'actuel département d'Ille-et-Vilaine, Saint-Malo offre le curieux exemple de la création d'une capitale d'un petit pays en trois étapes. À la veille de la conquête romaine, la civitas des Coriosolites (dont la majeure partie a formé, par la suite, l'évêché de Saint-Malo) s'étend de la baie du Mont-Saint-Michel à celle de Saint-Brieuc, et s'enfonce dans l'intérieur des terres jusqu'à La Roche-Bernard. Ainsi, la civitas chevauche l'estuaire de la Rance. Sous le Haut-Empire, sa capitale est Corseul. Au moment des premières grandes invasions de la fin du iiie siècle, le rôle directeur passe à Aleth, plus facile à défendre, sur un site déjà occupé au ier siècle. Progressivement, Aleth, devenu le siège du praefectusmilitumMartensisAleto, l'emporte et devient siège épiscopal. Il semble qu'au moment des invasions bretonnes (ve-vie s.) le diocèse d'Aleth soit largement resté gallo-romain, face à celui de Dol devenu breton. D'après l'hagiographie, le moine saint Malo se serait installé sur l'îlot d'Aaron, à proximité d'Aleth, pour mourir enfin à Saintes, d'où ses reliques auraient été rapportées au viiie siècle. La légende traduit ainsi le relais progressif pris par l'agglomération constituée autour du monastère sur le siège épiscopal, plusieurs fois brûlé et pillé au cours des guerres et des invasions du viiie au xe siècle. L'îlot d'Aaron, mieux protégé qu'Aleth, devient Saint-Malo. Au début du xie siècle, l'ancien terroir des Coriosolites a été amputé à l'ouest du diocèse de Saint-Brieuc, et Saint-Malo a remplacé Aleth et Corseul. Le diocèse de Saint-Malo, qui subsiste jusqu'en 1789, est l'un des plus importants de Bretagne.
Le site contribue beaucoup au développement de la cité et explique, en particulier, la semi-indépendance de fait dont elle jouit longtemps. L'îlot d'Aaron était isolé du continent par l'interruption de la flèche littorale du « Sillon ». Tournée vers le nord et l'ouest, l'île commande l'entrée de la Rance, tandis qu'au sud une large baie, prolongée par des marais, l'isole de l'agglomération concurrente de Saint-Servan (l'ancienne Aleth). En outre, la remontée des eaux marines, au début de notre ère, a amélioré les qualités défensives du site, les courants de marée ayant rendu impraticables les gués qui assuraient le passage de la Rance. En 1509, une chaussée rattache Saint-Malo au Sillon, mais, depuis le Moyen Âge, le passage est surveillé par un château-donjon très puissant. Ainsi, l'histoire défensive de la ville se décompose en deux épisodes majeurs : celui du Moyen Âge avec la mise en place des premières enceintes et du château, et celui de la fin du xviie siècle. À ce moment, Vauban fortifie les îlots qui bordent la ville au nord, tandis que l'ingénieur militaire Garengeau construit pendant les guerres de la fin du règne de Louis XIV l'enceinte actuelle, financée, en partie, par les capitaux malouins privés.
Très tôt, ce site attire non seulement des populations locales, mais aussi une immigration importante d'étrangers, principalement des Normands (Granville), et, dès le xive siècle, des Espagnols. Ces immigrés donnent à la ville un dynamisme économique et démographique exceptionnel. On peut, en gros, schématiser l'évolution comme suit : quelque 2 000 habitants vers 1450, 20 000 au moment de l'apogée sous Louis XIV, 13 000 en 1939. Ces chiffres n'englobent pas ceux de Saint-Servan.
L'essor du grand commerce commence au xive siècle. Il prend, d'emblée, les caractères qui resteront les siens jusqu'au xixe siècle : double spécialisation vers la course et la piraterie, orientation du grand commerce vers[...]
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Écrit par
- Jean MEYER : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Rennes
- Jean OLLIVRO : professeur à l'université de Rennes-II-Haute-Bretagne
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