TOULOUSE SAINT-SERNIN DE
C'est un des grands chefs-d'œuvre de l'architecture romane que la collégiale Saint-Sernin de Toulouse. L'ampleur du plan avec déambulatoire, qui se poursuit dans le transept, et les doubles collatéraux dans la nef, l'extraordinaire équilibre du chevet dont les courbes calmes créent un effet puissant, la tour qui, par son élan, donne un certain dynamisme à cette architecture paisible attestent la maîtrise de l'architecte. L'emploi simultané de la brique et de la pierre, puis de la brique seule lorsqu'on avance vers l'ouest, ajoute à l'édifice un caractère pittoresque qui n'est pas négligeable. Un jeu très harmonieux des volumes anime l'intérieur, auquel un nettoyage récent a rendu sa primitive beauté. Le vaisseau central, qui n'est éclairé que par des fenêtres des tribunes et des collatéraux, est plongé dans une obscurité impressionnante.
Les travaux de construction de Saint-Sernin étaient projetés ou avaient commencé dès 1070. Ils furent si activement menés que, lors du passage d'Urbain II en 1096, la plus grande partie du chevet était achevée et les tribunes du transept entreprises. À la mort de Raymond Gayrard, chanoine de la collégiale, en 1118, la nef s'élevait jusqu'aux fenêtres hautes. Puis les travaux se ralentirent d'une façon très nette : la voûte ne fut achevée qu'au xive siècle, et certains chapiteaux annoncent déjà la Renaissance.
À Saint-Sernin, la sculpture n'est pas moins importante que l'architecture. À l'intérieur des chapelles du déambulatoire, on assiste aux premiers balbutiements de la statuaire dans le décor d'entrelacs et de petits animaux. Puis un nouvel atelier exécute de très beaux chapiteaux dérivés de l'ordre corinthien où apparaît la figuration humaine. Le chef-d'œuvre de ce premier atelier est la porte des Comtes, montée sur le bras nord du transept avec des éléments de diverses origines. L'arrivée de Bernard Gilduin, qui signa la table d'autel consacrée en 1096 par Urbain II, allait entraîner un retour à l'Antiquité classique. L'artiste tend à dégager de la dalle, taillée en cuvette, les personnages figurés. Les bas-reliefs de marbre, placés dans le déambulatoire, relèvent de ce nouvel art. C'est, enfin, à un troisième atelier que l'on doit l'exécution de la porte Miégeville, où la monumentalité fait place à un dynamisme inconnu jusqu'alors. Saint-Sernin a été restauré par Viollet-le-Duc (premier projet en 1847, début des travaux en 1860). Soucieux de donner à l'extérieur de l'édifice une unité de style, il avait rétabli la concordance entre les volumes extérieurs et l'intérieur de l'église, concordance caractéristique de l'art roman. Mais l'œuvre de Viollet-le-Duc ne fit jamais l'unanimité des spécialistes du Moyen Âge, et, à l'occasion de travaux rendus nécessaires par l'état du monument, la Commission supérieure des Monuments historiques a décidé, dans un climat de vives controverses, en 1979 puis en 1989, de « dérestaurer » Saint-Sernin. En 1995, hormis la couverture de l'abside, le chevet est entièrement terminé.
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Écrit par
- Alain ERLANDE-BRANDENBURG : conservateur général honoraire du Patrimoine
Classification
Médias
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