SAINTETÉ
Le bouddhisme
Les étapes de la sainteté
Une notion très proche, à certains égards, de celle de sainteté existe dans le bouddhisme et y tient une place fort importante. Le mot ārya, qui désignait dans l'Inde antique les gens de haute naissance et que l'on traduit en conséquence généralement par « noble », a pris le sens de « saint » dans la terminologie bouddhique. En effet, est ārya ce qui appartient à la Voie (mārga) de la délivrance, c'est-à-dire ses diverses étapes, les « fruits » (phala) spirituels que l'on y cueille et les personnes qui parcourent cette Voie et y obtiennent ces « fruits ». Ce qui est ārya est souvent défini comme « supramondain » (lokottara) et « exempt de courants impurs » (anāsrava), c'est-à-dire comme étant sorti du monde des transmigrations où demeurent les autres êtres et purifié des souillures, passions et erreurs qui y retiennent ceux-ci ; toutefois, cette double définition ne s'applique exactement qu'au terme de la Voie de la délivrance – à savoir le nirvāṇa ou « extinction » totale de ces passions et erreurs – et aux hommes qui, l'ayant atteint, ne renaîtront plus nulle part.
Le bouddhisme ancien reconnaît quatre de ces étapes successives, celles du srotaāpanna, ou « entrée dans le courant » menant au Salut, du sakṛdā-gāmin qui « ne revient qu'une seule fois » renaître parmi les hommes, de l'anāgāmin qui « ne revient plus » dans un corps humain mais seulement dans un corps divin, et de l' arhant ou « méritant » la vénération, car il a obtenu le nirvāṇa en ce monde. À chacune de ces étapes, on se débarrasse d'une partie des liens qui attachent l'homme au monde des transmigrations, à commencer par les plus grossiers, les passions les plus violentes et les illusions les plus aveuglantes, pour finir par les plus subtils, dont il est plus difficile de se libérer. Pour chacune de ces quatre étapes, on distingue l'homme qui chemine vers son terme, étant candidat au « fruit » correspondant, et celui qui, ayant cueilli ce dernier, reste quelque temps à le goûter avant de se mettre en marche pour l'étape suivante.
Il y a trois sortes de saints parvenus au salut suprême, au nirvāṇa en ce monde : les buddha parfaits qui ont découvert par eux-mêmes la Voie de la délivrance, l'ont suivie et l'ont montrée aux autres êtres, les arhant proprement dits qui sont les meilleurs disciples (śrāvaka) des précédents, et les buddha « pour eux-mêmes » (pratyekabuddha) qui n'ont pas enseigné la doctrine à laquelle ils se sont « éveillés ». On regarde aussi comme des saints particulièrement vénérés les bodhisattva, ou « êtres qui se destinent à l'Éveil », c'est-à-dire à devenir buddha, et qui, pendant des centaines et des milliers d'existences, accomplissent des prodiges de générosité, de patience, de sagesse et de bien d'autres vertus qu'ils portent ainsi à leur perfection (pāramitā), jouant auprès de tous les êtres dans le besoin le rôle de sauveurs toujours prêts à intervenir et à se dévouer, même au prix de leur vie.
Plusieurs controverses ont divisé les écoles anciennes à propos de la sainteté. La principale avait trait à la déchéance du saint et en particulier de l'arhant : peut-on perdre les « fruits » obtenus, y compris le nirvāṇa ? peut-on même reculer jusqu'à quitter la Voie de la délivrance ? dans quelles conditions et pour quelles raisons une telle déchéance se produit-elle ? Les réponses à ces questions étaient très diverses, depuis celles qui affirmaient le caractère stable et définitif de tout « fruit » de sainteté jusqu'à celles qui admettaient la plupart des possibilités de recul.
Les vertus du saint
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Écrit par
- André BAREAU : professeur au Collège de France, chaire d'étude du bouddhisme
- Yves CONGAR : professeur à l'Institut catholique de Paris
- Louis GARDET
: ancien professeur au collège philosophique et théologique de Toulouse, co-directeur de la collection Études musulmanes, collaborateur de l'
Encyclopédie l'Islam - Françoise MALLISON : membre de l'École française d'Extrême-Orient
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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