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SAITŌ MOKICHI (1882-1953)

Pour servir de titre à ses premiers recueils de poésie, Saitō Mokichi choisit un seul mot : Shakkō (Lumière rouge, 1913), Aratama (Gemme brute, 1920). Vocables très anciens et pourtant simples, faciles à saisir. Il s'en dégage une force primitive. Cette sensibilité abrupte transparaît dans chaque poème. Une couleur jaillit, intense. Un sentiment longtemps contenu explose. L'écrivain se limite de manière exclusive au waka. À cause de ses contraintes, cette forme lui sembla être un moyen privilégié pour pénétrer « au cœur des apparences ». L'expression poétique est une réduction à l'essentiel, un principe de libération.

Saitō Mokichi est d'origine paysanne. Sa famille jouit d'une relative aisance, mais cette région montagneuse du Nord est pour ainsi dire condamnée. L'adolescent part pour Tōkyō, y entreprend des études de médecine. Il exerce et enseigne la psychiatrie, à Tōkyō puis à Nagasaki. De 1921 à 1924, il poursuit ses recherches à Vienne et à Munich.

Sur le chemin du retour, il apprend que la clinique dirigée par son père adoptif à été détruite par le feu et il assumera seul la responsabilité de sa reconstruction. Durant ces années d'épreuve, il témoigne d'une grande vitalité, participe activement à la revue Araragi que, après la mort de Masaoka Shiki, Itō Sachio avait fondée pour continuer l'œuvre de rénovation du waka de ce dernier. Il multiplie les textes théoriques et ne dédaigne pas la polémique. S'il traite à plusieurs reprises d'écrivains modernes (Masaoka Shiki, 1943 ; Kōda Rohan, 1949), il se consacre d'abord à l'étude des sources anciennes : les textes bouddhiques, la poésie populaire et surtout le Manyōshū (Kakinomoto no Hitomaro, 1934-1940). Sa prose est concise, volontaire, pleine d'humour. Vers la fin de la guerre, la clinique est détruite par les bombardements. Réfugié, il retrouve les paysages de son enfance. Il compose alors ses derniers grands livres de poèmes : Blanche Montagne (Shiroki yama, 1949), Les Monts (Renzan, 1950). La rudesse de la nature le rend à lui-même, mais sa voix est celle d'un homme brisé. Par moments semble affleurer le désespoir. Comme si les mots se perdaient dans les flots que roule la rivière Mogami, charriant la neige des montagnes proches.

— Jean-Jacques ORIGAS

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Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur à l'Institut national des langues et civilisations orientales de l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

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