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SAKI HECTOR HUGH MUNRO dit (1870-1916)

Né en 1870, Hector Hugh Munro est un symbole d'une époque de l'histoire anglaise dont, sous le pseudonyme de Saki, il a livré la satire. Comme Kipling, Munro a vécu dans les colonies de l'Empire britannique : né en Birmanie, il y retourna en 1893, et certaines nouvelles sont empreintes de cette atmosphère. Mais contrairement à Kipling, cette partie du monde n'exerce pas de véritable fascination sur lui. Revenu à Londres, Saki se lance dans le journalisme politique et publie sous forme de pastiches d'Alice au pays des merveilles de courtes chroniques satiriques sur le monde politique. En même temps il travaille à une histoire de l'empire russe qui paraît en 1900. C'est aussi à ce moment-là, alors que la Westminster Gazette publie sa première nouvelle (Reginald), qu'il adopte le pseudonyme de Saki, emprunté à Omar Khayyam (Rubiyat). Correspondant du Morning Post dans les Balkans, puis en Pologne, en Russie, à Paris, il rentre en Angleterre en 1909 et commence sa véritable carrière d'écrivain, que la mort dans les tranchées interrompt en 1916.

Bien qu'il se soit essayé à presque tous les genres littéraires, Saki est surtout renommé pour son art de nouvelliste. Ses deux romans (L'Insupportable Bassington et Quand William vint) ne portent guère la marque du génie de l'écrivain, et ses trois pièces ne furent pas représentées de son vivant. C'est donc dans ses histoires (six recueils) que tient l'importance de Saki. D'abord parce qu'il fait la satire de la société édouardienne et de ses classes fortunées. Sous sa plume, les personnages — la forme extrêmement brève de ses nouvelles l'exige — deviennent des types, et si les noms changent d'une histoire à l'autre, les caractères demeurent les mêmes. Duchesses ou tantes-marâtres, les femmes, caricaturées à l'extrême, y côtoient des hommes ternes et des « dandies ». La légèreté et le cynisme de ces derniers, alliés à un regard de sybarite porté sur la vie, en font les véritables héros de l'univers de Saki. À côté, enfants et bêtes (naturelles et surnaturelles) cherchent à imposer leur loi au monde, mais deviennent parfois les victimes du cynisme général.

Dans les meilleures de ses histoires, Saki parvient en outre à une perfection de l'art de la nouvelle. La brièveté des récits impose une unité d'action dont l'intérêt ne tient pas dans une analyse psychologique, mais dans la concision de l'événement. Certaines histoires portent davantage sur des événements mondains (scandales causés dans des réceptions ou situations sociales embarrassantes), mais les plus beaux des récits introduisent un élément de fantastique, en suspens entre l'étrange et le merveilleux : ainsi, un petit garçon vénère un putois qu'il supplie de dévorer sa tante (Sredni Vashtar). La tension de ces nouvelles se résout — ou éclate — dans les dernières phrases où le rire s'accompagne d'un frisson, où l'on découvre par exemple que la femme que son mari essayait de dérider était en fait morte (Le Silence de lady Anne).

Mais les histoires ne sauraient avoir une telle force sans un art du langage qui les façonne. La précision de la formule, le choix du mot juste sont en effet essentiels, qu'il s'agisse de condamner les femmes qui parlent toujours du passé (« Elles sont aussi pénibles que les tailleurs qui se rappellent invariablement ce que vous leur devez pour un costume, longtemps après que vous ayez cessé de le porter ») ou de traduire le cynisme d'enfants qui tiennent en otage une petite fille (« Nous serons désolés lorsque nous aurons tué Olivia, mais nous ne pouvons pas l'être avant de l'avoir fait »). La parodie de la haute société crée aussi l'humour, mais ce sont surtout les jeux sur le langage, les métaphores inattendues et les ambiguïtés qu'exploite le style de Saki. Et[...]

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