SALADIN (1137-1193)
Politique intérieure
La politique intérieure de Saladin, si elle a moins contribué à sa gloire, n'en mérite pas moins une mention. Sans parler des transformations introduites dans le régime des terres et l'organisation militaire par le seul fait de la prise du pouvoir par une armée mettant en place des institutions différentes de celles de l'Égypte, sans parler non plus de la construction au Caire de la puissante citadelle du Muqattam destinée à assurer son pouvoir, Saladin a marqué l'histoire de l'Égypte en y étendant la politique d'orthodoxie que Nūr ed-dīn avait inaugurée en Syrie : essentiellement par la fondation de madrasas, écoles juridico-religieuses semi-officielles destinées à la formation des cadres du régime. Néanmoins, il faut rappeler que la guerre sainte, pour Saladin comme dans la Loi musulmane en général, ne signifie pas persécution des non-musulmans soumis, tant qu'ils sont fidèles : s'il convient de se méfier de quelques éléments pro-latins, on peut d'autant mieux s'appuyer sur les autres, d'ailleurs majoritaires, et, dans Jérusalem reconquise, Saladin attira les melkites (chrétiens arabisés de rite grec) et les juifs. A fortiori ne refusait-il pas un accueil favorable aux marchands italiens qui, en échange des denrées importées par eux en Europe, fournissaient le bois et le fer indispensables aux armements de Saladin contre les croisés mêmes.
L'idée dominante de Saladin a été la guerre sainte ; ce fut aussi, plus tard, celle de Saint Louis. Mais, chez l'un comme chez l'autre, elle n'avait de sens qu'accompagnée d'une absolue dignité de comportement qui lui conférait sa valeur. Cette élévation a pour tous deux, au-dessus des barrières confessionnelles, forcé l'estime des contemporains et de la postérité. Le grand écrivain ‘Imād ed-dīn al-Iṣfahānī et le qādī Ibn Shaddād, entre autres, ont écrit des vies de Saladin, et un chef de l'Égypte moderne a relevé face à Israël le titre d'al-nāṣir (le victorieux) que Saladin avait porté face aux croisés. Quant à ces derniers, une fois rentrés en Europe, ils colportèrent l'image d'un prince qui eût été digne d'être chrétien et chevalier. Il y avait eu un projet de mariage entre son frère al-‘Ādil et une sœur de Richard Cœur de Lion. Les romans postérieurs ont fait de Saladin un personnage de souche chrétienne secrète, dont une reine de France devait être amoureuse... Aucun autre prince musulman n'a eu tel honneur !
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Écrit par
- Claude CAHEN : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Paris
Classification
Médias
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