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SALAFISME

Un projet d’épuration de l’islam

Destruction du tombeau du prophète Jonas à Mossoul par l’État islamique - crédits : STR/ EPA

Destruction du tombeau du prophète Jonas à Mossoul par l’État islamique

C’est donc autour d’un projet d’épuration radicale de l’islam, visant à le débarrasser de tous les éléments étrangers à la doctrine originelle, que se regroupent les salafistes. À la base de ce programme éducatif figure la volonté de restaurer la pratique rigoureuse des cinq prières quotidiennes, de la prière collective du vendredi et du jeûne de ramadan, d’imposer un respect absolu des interdits alimentaires, de la consommation de viande halal et de la prohibition de l’alcool, voire de la cigarette. La tenue vestimentaire permet également à l’individu d’afficher sa foi, et c’est surtout autour de l’image de la femme que se concentre l’effort de distinction des normes « occidentales » : port du voile facial – qui peut aller d’un simple hijab, pour les plus libéraux, au niqab saoudien qui ne découvre que les yeux –, adoption d’une tenue qui masque plus ou moins rigoureusement les « atours » de la femme (la gorge, les mains, les jambes...), etc. Les règles pour l’homme sont moins strictes, bien que certains salafistes insistent sur la nécessité de se différencier des « mécréants » en imitant les habitudes du Prophète, dont certains hadiths disent qu’il se laissait pousser la barbe et qu’il portait une tunique légère (qamīs), un sarouel et des sandales. La marque laissée sur le front par la pratique assidue des prosternations constitue également un signe de distinction recherché, que les croyants relient à un verset du Coran décrivant les Compagnons (xlviii, 29).

La mixité hommes-femmes, l’excessive liberté des mœurs, la question de l’homosexualité et, plus largement, la laïcité et l’individualisme, censés être à l’origine de tous ces dérèglements, constituent des thèmes récurrents dans le discours fondamentaliste. La critique de l’Occident débouche toutefois sur des attitudes très différentes selon les mouvements considérés : certains prônent l’hégire vers les pays musulmans, d’autres en appellent à une coexistence sans mélange, d’autres espèrent au contraire islamiser les sociétés occidentales, soit par un prosélytisme pacifique, soit par une action révolutionnaire.

La critique envers les autres formes d’islam n’est pas moins sévère. Dès l’origine, le salafisme s’est montré particulièrement hostile à toutes les formes de soufisme, s’en prenant parfois violemment à l’influence sociale des confréries, à l’autorité des cheikhs et des marabouts, aux croyances jugées superstitieuses en la baraka miraculeuse des saints. Au nom de l’unicité divine – le tawḥīdqui interdit au fidèle de vouer un culte à un autre que Dieu, fût-ce le Prophète –, les Wahhabites n’hésitèrent pas à détruire le cimetière de Médine en 1806, effaçant ainsi la mémoire des tombes liées à la famille du Prophète et aux premiers imams chiites. Les mosquées historiques furent progressivement rasées, elles aussi, afin de décourager toute forme de célébration. Épargnée, la sépulture de Muḥammad continue à être régulièrement menacée par le régime saoudien. La destruction des mausolées de Tombouctou en 2012 par les combattants d’Ansār al-Dīn relève du même phénomène religieux.

Autre adversaire constant du salafisme sunnite : les minorités religieuses musulmanes, notamment le chiisme. Depuis la révolution de 1979, l’Iran exerce en effet une influence prosélyte fondamentaliste rivale dans le monde, qui ne séduit pas que des adeptes du chiisme. La guerre civile qui n’a pas tardé à se déclarer en Irak à la suite de l’intervention américaine de 2003 ainsi que la domination du pays par des leaders chiites à partir de 2005 ont dégénéré en une guerre confessionnelle qui s’étend à la Syrie, en feu à partir de 2011.

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Écrit par

  • : maître de conférences en histoire des mondes musulmans médiévaux à l'université de Lyon-II-Louis-Lumière

Classification

Médias

Manifestants salafistes en Jordanie - crédits : Jamal Nasrallah/ EPA

Manifestants salafistes en Jordanie

Destruction du tombeau du prophète Jonas à Mossoul par l’État islamique - crédits : STR/ EPA

Destruction du tombeau du prophète Jonas à Mossoul par l’État islamique

Sayyid Qutb - crédits : AFP

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