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ABD AS-SABOUR SALĀH (1931-1981)

Fils d'un fonctionnaire de petite aisance, Salāh Abd As-Sabour fait des études de lettres à l'université du Caire (1951) où il suit notamment les cours de Taha Hussein avant de se voir confier des responsabilités de haut fonctionnaire au ministère de la Culture, puis celles d'attaché culturel en Inde (1977-1978). Il occupera encore un poste au ministère de la Culture tout en présidant le conseil d'administration de la revue universitaire Fouçoul, fondée en 1980. Le poète publie son premier recueil en 1957 : An-nās fī bilādī (Les Gens de mon pays). Il est successivement l'auteur de : Aqūlu la-kum, 1961 (Je vous dis), Ahlām al-fāris al-qadīm, 1964 (Rêves du vieux chevalier), Ta'ammulāt fī zaman djarīh, 1969 (Méditations sur un temps blessé), Chadjar al-layl, 1974 (Les Arbres de la nuit), Al-'ibhār fī dh-dhākira, 1979 (Navigation dans la mémoire). Outre ces six recueils, l'œuvre de Abd As-Sabour compte cinq pièces de théâtre : Ma'sāt al-Hallādj, 1964 (Le Drame d'Al-Hallādj), Mousāfir layl, 1969 (Voyageur de nuit), Layla et Madjnoun, 1969, Al-'amīra tantazir, 1970 (La princesse attend), Ba‘da 'an yamūta l-malik, 1973 (Après que le roi sera mort). Le poète a enfin publié treize essais d'inégale importance où il a réuni les chroniques parues dans différents journaux.

Homme d'une très grande culture, passionné de philosophie, amateur fervent de poésie anglaise, Abd As-Sabour tient une place importante dans les lettres arabes. Après avoir été attiré par l'idéologie des Frères musulmans et par le marxisme, c'est avec le nassérisme qu'il sympathise, pour faire siens les idéaux du nationalisme arabe. De cela aussi il se détache, en quête d'un libéralisme utopique sous-tendu par une inquiétude métaphysique qui n'avait, en fait, jamais cessé de l'habiter. C'est ce qui explique le réseau de contradictions où fut pris ce solitaire. Il fut en effet le haut fonctionnaire d'un régime sadatien dont il condamna plusieurs initiatives sans se résoudre à rompre avec lui.

L'œuvre achevée s'offre maintenant à l'analyse. Le théâtre en vers, de très haute ambition spirituelle, retiendra peut-être moins l'attention dans un monde arabe où la représentation se heurte à des interdits de toutes sortes. En fait, pour Abd As-Sabour, le théâtre n'est qu'une autre forme offerte à son discours poétique. Sa langue s'est ouverte aussi bien à l'inspiration populaire qu'à celle des grands textes classiques. Ainsi a-t-il pu forger un instrument souple, déchargé des poncifs, propre à suivre les cheminements les plus secrets de la pensée. Abd As-Sabour se refuse par ailleurs aux effets et abandonne ainsi cet aspect oratoire qui caractérisa longtemps la poésie arabe. Ouvert aux influences étrangères, par exemple celle d'un T. S. Eliot, il n'a cependant cédé ni à la tentation du formalisme, ni à celle de l'abstraction. Sa modernité est celle d'une sensibilité plus que celle d'une écriture.

C'est en fait d'une poétique de la souffrance qu'il faudrait parler. Car toute la vie du poète fut une traversée de solitudes, et l'on est frappé par la place que tient la mort dans sa poésie comme dans son théâtre. Il est lyrique comme peut l'être un individu solitaire, mais qui fait de son angoisse une image exemplaire de la souffrance des siens. Le poète s'enfonce au cœur de son tourment et la poésie reste pour lui la voie désespérée mais unique vers un bonheur insaisissable. Marque de l'échec, dira-t-on, mais pour nous témoignage profond d'une pensée irrémédiablement hantée par la certitude de son destin tragique.

— Jamel Eddine BENCHEIKH

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