SALAMANQUE
Cité restant attachée à un passé qui fut surtout celui de la haute culture et de la vie spirituelle, Salamanque a deux foyers qui sont presque confondus tant ils sont proches : l'université et la cathédrale. Il existe en réalité deux cathédrales. L'une, romane, illustre le type de la grande église castillane du xiie siècle, déjà travaillée par les premières influences gothiques. Elle doit son originalité à sa tour-lanterne ou cimborio, la célèbre torre del Gallo qui la couronne de sa silhouette pittoresque. Le chapitre eut le bon goût de la conserver avec son beau cloître et sa riche parure de peintures (les fresques gothiques de la chapelle Saint-Martin, signées par Antón Sánchez de Ségovie et l'énorme retable du maître-autel exécuté par Nicolás Florentino en 1445) lorsqu'il décida de lui adjoindre un édifice plus vaste. Celui-ci est une immense église qui demeure gothique dans son principe, bien que la première pierre n'en eût été posée qu'en 1513. Quelques-uns des meilleurs architectes de la première moitié du xvie siècle en dirigèrent les travaux.
Le besoin d'une cathédrale plus vaste résultait des progrès mêmes de l'université, qui était la plus ancienne (1218) et la plus célèbre de l'Espagne. Les bâtiments universitaires n'apparurent cependant qu'à la fin du xve et au début du xvie siècle. Ils se caractérisent par leur faste. Fernando Gallego avait peint, à la fin du xve siècle, son cycle de peintures allégoriques pour la bibliothèque ouverte en 1465 et agrandie en 1471. La façade de l'université, qui appartient au type de la façade-retable, illustre le style plateresque à Salamanque (1513-1525). Celle des Escuelas menores, qui en est une réduction avec des proportions différentes, montre l'évolution du style. On l'acheva en 1533. L'ample patio des écoles est bordé d'arcatures combinant les lignes concaves et convexes. Il se rattache à l'art mudéjar à travers celui des Rois Catholiques.
Une série de collèges, construits à diverses époques, permet de suivre l'évolution ultérieure de l'architecture universitaire. Le collège des Irlandais offre un des plus beaux patios de la Renaissance classique qui soient en Espagne. Les plans seraient de Diego de Siloé et la réalisation de Juan de Álava. Commencé en 1529, il ne fut inauguré qu'en 1578. On doit à Joaquín et à Alberto Churriguera le collège de Calatrava. Sa façade, datant de 1717, a malheureusement perdu en 1790 une partie de sa décoration baroque. Enfin celui d'Anaya (1760-1768) a été construit dans le goût néo-classique par le Basque Juan de Sagarvinaga.
Tous les ordres religieux étaient naturellement présents à Salamanque. Non loin de l'université et de la cathédrale, les Dominicains possédaient un vaste couvent dédié à saint Étienne. Commencé en 1524 par Juan de Álava, il combine des éléments gothiques et Renaissance. Le collège des Jésuites, vulgairement dénommé la Clerecía, ne le cède en rien en ampleur et il se trouve encore plus près de l'université. Juan Gómez de Mora en fournit les plans en 1617. L'ambition du programme devait en retarder l'achèvement jusqu'en pleine époque baroque. Deux couvents de femmes se recommandent par leur valeur artistique, celui de las Dueñas, à cause de la somptuosité de son cloître Renaissance et celui des Augustinas Recoletas, dont l'église possède deux grands Ribera : une lumineuse Immaculée Conception et un Saint Janvier doté d'un séduisant paysage marin.
Il ne faut pas oublier le cadre urbain lui-même, et d'abord la Plaza Mayor, monumentale et animée, chef-d'œuvre d'Alberto Churriguera (1729-1775), puis un certain nombre de nobles demeures comme la pittoresque Casa de las Conchas, des environs de 1500, dont les murs extérieurs sont tapissés de coquilles, et le palais[...]
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Écrit par
- Marcel DURLIAT : professeur émérite d'histoire de l'art à l'université de Toulouse-Le-Mirail
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