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SALAMMBÔ, Gustave Flaubert Fiche de lecture

Aussitôt après la publication de Madame Bovary, en 1857, Gustave Flaubert (1821-1880) se met en quête d'un nouveau thème de roman. Au terme de cinq années vouées à rédiger la chronique d'un bourg normand sous Louis-Philippe, il est résolu « à ne plus s'occuper du bourgeois » et à s'évader d'Yonville : « J'éprouve le besoin de sortir du monde moderne où ma plume s'est trop trempée et qui d'ailleurs me fatigue autant à reproduire qu'il me dégoûte à voir ». Aussi songe-t-il à un sujet antique, où il pourrait donner libre cours à son goût pour la narration historique que, dans sa jeunesse, il aimait à cultiver, mais aussi pour un Orient qu'il avait appris à connaître au cours d'un long périple (novembre 1849-juin 1951), notamment en Égypte, en Syrie et en Grèce.

Il pense d'abord à reprendre La Tentation de saint Antoine, œuvre qu'il avait laissée de côté pour rédiger Madame Bovary. Mais, redoutant qu'un tel sujet le conduise à être de nouveau poursuivi pour offenses à la morale ou à la religion, il décide, après avoir soigneusement relu L'Histoire romaine de Michelet, de s'inspirer d'un des épisodes les plus sanglants de l'Antiquité : la « guerre inexpiable » qui fit s'affronter Carthage aux Barbares qu'elle employait comme mercenaires, mais dont elle refusait de payer la solde. « Voilà, dit Sainte-Beuve, quel était son nouveau sujet, étrange, reculé, sauvage, hérissé, presque inaccessible – l'impossible et pas autre chose le tentait. »

Un roman-opéra

Tâche bien difficile en effet que celle de faire revivre une ville et une civilisation que Rome a si bien détruites qu'il n'en reste quasiment pas de traces. Pourtant, mû par un « toupet exorbitant », Flaubert va, pendant des mois, « se livrer par l'induction à un travail archéologique formidable ». Il se plonge dans Polybe, Appien, Hérodote, Pline l'Ancien ou la Bible. Il hante les bibliothèques, traquant toutes sortes d'ouvrages érudits, anciens ou modernes. En 1858, il se rend en Tunisie sur les ruines de Carthage, afin de repérer précisément les lieux de l'action. Bref, il s'emploie à engranger les données qui, dès l'incipit, doteront sa narration des apparences du plus parfait réalisme : « C'était à Mégara, faubourg de Carthage, dans les jardins d'Hamilcar. »

Toutefois, l'objectif de Flaubert est non seulement de ressusciter des faits historiques et leurs décors, mais aussi de recréer des mentalités, des manières de penser et de sentir. Avec le personnage de Salammbô, fille du suffète Hamilcar, vierge vouée au culte de la déesse Tanit, c'est la femme orientale et ses sortilèges qu'il veut peindre. Quand Mathô, qui va être le chef des mercenaires, l'aperçoit, il en est aussitôt comme possédé. Pour briser cet envoûtement, il s'introduit dans le sanctuaire de Tanit afin de dérober le voile sacré de la prêtresse. Venue au cœur du camp ennemi pour le reprendre, alors que la révolte a éclaté et que les Carthaginois ont essuyé une défaite, Salammbô se livre à Mathô dont l'image peu à peu l'obsède. Lorsqu'elle voit celui-ci, une fois les Barbares anéantis, se faire lyncher par les Carthaginois, son cœur s'arrête : « Ainsi mourut la fille d'Hamilcar pour avoir touché au manteau de Tanit. »

En marge de la narration historique, c'est donc une intrigue de nature « opératique », qu'on pourrait rapprocher de celle de Norma ou d'Aïda, que développe Flaubert. L'écrivain tira d'ailleurs de son roman un livret qu'il souhaitait proposer à Berlioz ou à Verdi. Ce fut Ernest Reyer qui le mit en musique (1890) ; Moussorgski ébaucha lui aussi un opéra sur le sujet. Mentionnons également le poème symphonique de Florent Schmitt[...]

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Écrit par

  • : agrégé de lettres modernes, ancien élève de l'École normale supérieure

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