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RUSHDIE SALMAN (1947- )

Salman Rushdie, 2010 - crédits : Billy Farrell/ Patrick McMullan/ Getty Images

Salman Rushdie, 2010

Né à Bombay en 1947 dans une famille musulmane laïque de la bourgeoisie, Salman Rushdie poursuit ses études dans la prestigieuse Public School de Rugby avant d'être admis à l'université de Cambridge pour étudier l'histoire. Lecteur éclectique, il dévore avec autant d'avidité Jorge Luis Borges, Günter Grass, García Márquez que Les Mille et Une Nuits. Rushdie est également passionné par le cinéma de Godard, de Buñuel, de Bergman et de Kurosawa.

Un art de l'excès

D'abord publicitaire par nécessité économique, l'auteur parvient à vivre de sa plume après la publication de Midnight'sChildren(1981, Les Enfants de minuit). Dans son premier roman, Grimus(1975), fantaisie parodique alliant la science-fiction au thème du voyage soufi à la découverte du moi, les calembours de carabin voisinent avec les anagrammes et les références.

En 1981, le Booker Prize propulse Salman Rushdie sur le devant de la scène littéraire. Inspiré par le réalisme magique et la grande tradition épique indienne du Mahābhārata, Midnight'sChildrenva à l'encontre des visions nostalgiques de l'Inde fournies par les récits de Paul Scott ou le film Gandhi. Le roman renverse les rapports traditionnels qui unissent fiction et réalité : ici, c'est la logique romanesque qui détermine et légitime l'histoire. Autour de Saleem, enfant miraculeux né à la minute même de l'indépendance de son pays, se déroule une fresque historico-parodique qui couvre un demi-siècle de l'évolution de l'Inde en bousculant au passage quelques personnages tabous tels que le Mahatma et Indira Gandhi. Rushdie prend à la lettre les prédictions de Nehru annonçant, à l'aube de l'indépendance, une génération magique : dans le roman, tous les enfants nés lors de la date fatidique communiquent entre eux par télépathie et constituent une sorte de réseau radiophonique merveilleux. Saleem, le protagoniste, rappelle Oskar, le jeune héros du Tambour de Günter Grass, et possède des talents extraordinaires, comme celui, parfois gênant, de lire dans les pensées de son père lorsque ce dernier imagine ses secrétaires en petite tenue... Mais le bel optimisme tourne bientôt au cauchemar, et le pays sombre dans la dictature et les déchirements ethnico-religieux.

Ganesha, Bali - crédits : John Elk III/ Getty Images

Ganesha, Bali

Rabelaisienne à l'envi, cette œuvre est un roman de la profusion et de l'outrance. Elle regorge de personnages, de situations, d'intrigues et de sous-intrigues. Cette surabondance menace parfois de noyer un récit structuré cependant par l'étonnante virtuosité d'un auteur qui jongle avec les références littéraires occidentales aussi bien qu'avec Shiva, Parvati et Ganesh, le dieu éléphant. Jouant avec les conventions de la métafiction, faisant écho au TristramShandyde Laurence Sterne, Rushdie recrée dans l'écrit des effets d'oralité rappelant l'art des conteurs itinérants qui ravissent les auditoires indiens toujours avides d'entendre les épisodes du Rāmāyana ou l'épopée de Vyasa.

Dans Shame(1983, La Honte), le récit se déplace vers le Pakistan contemporain. Ce roman associe les techniques utilisées dans Les Enfants de minuitet une narration où alternent un récit presque journalistique et une intrigue plus proprement romanesque. Cette double structure révèle les tendances presque schizoïdes qui parcourent l'œuvre de Rushdie : le romancier doit, selon lui, revisiter l'histoire. Mais il a également le devoir d'amuser, d'intéresser et de donner sens aux événements bruts en les réarrangeant, en créant de nouveaux liens entre eux. Shame débute avec une fable échevelée narrant la naissance d'Omar Khayyam Shakil (on pense évidemment aux fameuses Rubaiyat du poète persan) affublé de trois mères, enfermé avec elles dans une forteresse qui ne communique avec l'extérieur que par un ascenseur de service.[...]

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Salman Rushdie, 2010 - crédits : Billy Farrell/ Patrick McMullan/ Getty Images

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